Imaginée à l'origine afin de servir de relais centralisé pour la télévision et la radio lors du boom de communication qui eut lieu à la fin des années cinquante, la tour de Tokyo (東京タワー, Tokyo Tower) était jusqu'à peu la plus haute tour de métal du monde (333 mètres). Ce record fut battu lorsque sa remplaçante, la Tokyo Sky Tree, atteint sa taille maximale fin 2011. Construite en 1958 selon un concept similaire à celui employé par Gustave Eiffel pour la tour qui porte son nom, la tour tokyoïte dépasse néanmoins de 13 mètres sa jumelle parisienne. Autre différence, elle est beaucoup plus légère et elle arbore un bariolage orange et blanc requis par les règles de transport aérien.
Tout comme la tour Eiffel, la tour de Tokyo est devenue un vrai symbole pour la capitale qui l'abrite même si elle n'a jamais vraiment réussi à égaler le prestige international de son aînée. Par contre, au Japon, il serait très difficile de recenser le nombre d'apparitions du monument orange et blanc dans les documentaires, séries et films, se servant d'elle comme un outil de localisation immédiat du lieu de l'action. Un détail intéressant pour les pratiquants d'Aikido, le fameux documentaire Rendez-vous with Adventure met en scène les deux journalistes, Lee Green et Herman Jensen assistant à la cérémonie d'inauguration de la tour avant de se rendre au Hombu Dojo pour rencontrer O Sensei Ueshiba Morihei dans l'ancien dojo du Kobukan.
Documentaire "Rendez-vous with Adventure" par Lee Green (le documentaire complet peut être commandé sur Aikido Journal)
La tour a enflammé l'imagination des plus grands artistes qui ont à leur tour contribué à en faire l'icône culturelle qu'elle est aujourd'hui. Il est intéressant de constater que dans le cas des auteurs de science-fiction en particulier, les ouvrés laissaient entrevoir un aspect plus fragile de la tour de Tokyo, presque même sombre ou éphémère. Certains des exemples les plus dramatiques sont entre autres le film Mosura (モスラ) de 1961 où la tour est attaquée par une chenille géante, ou bien un an plus tard dans un autre film, par le tout puissant Gamera (ガメラ) qui finira même par la briser en deux tel un fétu de paille.
Aux pieds de la tour de Tokyo
Tokyo Tower fut longtemps considérée comme un symbole de modernité, porte-étendard de l'esprit du Japon d'après-guerre. Au moment de sa construction, le pays était en effet encore très marqué par les séquelles de la guerre et le projet en lui-même constitua un immense bond en avant. Il est intéressant de noter que près d'un tiers du métal utilisé pour la construction de l'édifice provenait de chars américains endommagés durant la guerre de Corée (1950 – 1953). Encore aujourd'hui, la tour de Tokyo accueille un nombre conséquent de curieux et elle célébrera bientôt son 160 millionième visiteur depuis son ouverture.
Tokyo Tower de nuit vue depuis Roppongi Hills
Malgré cela, au cours des années, la signification symbolique de la tour de Tokyo a fondamentalement changé et elle est aujourd'hui synonyme d'une certaine vision nostalgique du passé. Ce sentiment d'optimisme fut remarquablement retranscrit dans le film Always : Sunset on Third Street (ALWAYS 三丁目の夕日, lire notre critique du film ici). La construction de la tour illustra le fait que dans le Japon d'après-guerre, tout semblait possible et elle marqua le début de la mutation du pays en la super puissance économique que l'on connaît aujourd'hui. Le film montre de façon magnifique à quoi ressemblait Tokyo avant les gratte-ciels on comprend mieux l'impact de la construction sur la population qui pouvait être aperçue à des kilomètres.
Aujourd'hui, il est beaucoup plus difficile de se rendre compte de la taille de l'édifice étant donné les mastodontes de verre et d'acier qui l'entourent tels que la tour Mori à Roppongi Hills. Le film est peut-être la dernière opportunité pour nous de nous immerger dans l'atmosphère optimiste que la tour représentait naguère, en particulier si on considère la morosité ambiante au Japon qui fit suite à l'éclatement de la bulle spéculative de 1991, suivie de la crise financière globale de 2007, et enfin le méga tremblement de terre du 11 mars 2011 et l'accident nucléaire qu'il a provoqué.
Poster du film Always Sanchōme no Yūhi
La complétion imminente de la remplaçante de la Tokyo Tower, la Tokyo Sky Tree (東京スカイツリー) est un rappel ultime du statut de la première en tant que relique d'une ère révolue. Bien qu'attendue avec ferveur, Sky Tree ne semble pas susciter les sentiments d'émerveillement et d'optimisme que son aïeule représenta en 1958. C'est d'ailleurs très probablement la carte que Nihon Denpatō (Nippon Television City Corp.), les propriétaires de la tour de Tokyo joueront afin de préserver l'intérêt des visiteurs, le transformant en icône célébrant un âge doux-amer, lorsque le Japon, en tant que nation, faisait preuve d'une motivation et d'optimisme sans failles.
Vue depuis Tokyo Tower