Biographie de Christian Tissier Shihan

Biographie de Christian Tissier Shihan

Christian Tissier Shihan est aujourd'hui l'un des instructeurs d'aïkido les plus connus au monde. Ceci s'explique par ses débuts très jeunes, son cursus remarquable, son charisme et son sens apparemment inné pour la communication. Pourtant, la plupart des gens en savent assez peu sur l'homme et son parcours. Dans cet article, je vais essayer de faire la lumière sur sa jeunesse, ce qui, espérons-le, aidera à comprendre l'homme derrière le « modèle »Le titre japonais shihan (師範) signifie littéralement « instructeur », mais aussi « modèle »..

Sincères remerciements à Micheline Tissier et Christian Tissier pour m'avoir aimablement autorisé à reproduire des images issues de leurs archives personnelles. Toutes les images restent la propriété de leurs propriétaires respectifs.

Les débuts à Paris

Christian Tissier est né à Paris le 7 février 1951 dans une famille ouvrière. Comme beaucoup d'autres enfants français, il commence à pratiquer le judo mais il se prend vite de fascination pour les mouvements élégants d'un groupe de personnes qui utilisent le dojo après les cours de judo. Son professeur remarque son intérêt et il le présente au professeur, Jean-Claude Tavernier, qui enseigne un style d'aïkido créé par Mochizuki HirooMochizuki Hiroo (né le 21 mars 1936 à Shizuoka, Japon), est le fils de pionnier Mochizuki Minoru et le fondateur du Yoseikan Budo.. Tissier prend son premier cours d'aïkido en 1962 à onze ans à peine, faisant de lui l'un des plus jeunes pratiquants d'Europe.

Il intègre rapidement le dojo de Nakazono MutsuroNakazono Mutsuro (中園 睦郎, 1918 - 1994) est un acupuncteur japonais, praticien de médecine orientale, 6e dan de judo et 7e dan d'aïkido. Il a étudié avec Ueshiba Morihei et était une autorité sur le kotodama. près de la porte Saint-Martin à Paris. Christian Tissier s'entraîne intensivement sous sa direction pendant les sept années suivantes et cet accès à un professeur de japonais lui permet de se familiariser non seulement avec l'aspect technique de l'aïkido, mais aussi avec ses composantes culturelles et philosophiques. En effet, à cette époque, Nakazono Sensei enseigne déjà les aspects spirituels de l'aïkido, en particulier ceux du kotodamaKotodama (言霊, lit. « mot âme ») fait référence à la croyance japonaise selon laquelle les pouvoirs mystiques résident dans les mots et les noms. Cela présuppose que les sons influencent notre environnement, notre corps, notre esprit et notre âme. .

En plus des cours réguliers, Tissier assiste également à un grand nombre de stages, dont ceux de Tamura Nobuyoshi SenseiTamura Nobuyoshi (田村 信喜, 1933 - 2010) était un instructeur d'aïkido 8e dan. Fils d'un professeur de kendo, il entre à l'Aikikai Hombu Dojo en 1953 comme uchi deshi. Il s'installe en France en 1964 et contribue au développement de l'aïkido en Europe. En 1999, il reçoit la médaille de  « Chevalier de l'Ordre National du Mérite » du gouvernement français.. Fait intéressant, et bien qu'ils soient devenus amis plus tard, Tissier n'a jamais étudié sous le direction de Noro MasamichiNoro Masamichi (野呂 昌道, 1935 - 2013) est un professeur d'aïkido et le fondateur du style Kinomichi. Il rencontre Ueshiba Morihei en 1955 et devient rapidement son disciple. Il s'établit en France en 1961. Sensei, principalement à cause de la rivalité qui existe entre lui et Nakazono Sensei.

En plus de son assiduité sans faille, le jeune Christian Tissier s'avère être un élève très doué et il a reçoit le deuxième dan des mains de Nakazono Sensei en 1968. C'est à cette époque qu'il commence à envisager de se consacrer à l'aïkido, et fait le projet d'un voyage au Japon pour se perfectionner. Il a initialement l'intention de rester au Japon pendant six mois après avoir terminé ses études secondaires et avant de commencer l'université.

Un voyage au berceau de l'aïkido

En 1969, après des mois de dur labeur comme déménageur et magasinier au marché de Rungis, Christian Tissier a économisé assez d'argent pour s'offrir le billet qui le conduira au Japon. Les billets d'avion ne sont guère abordables et la plupart des gens se rend généralement au Japon par bateau depuis le port de Marseille. Cependant, au moment du départ de Tissier, le canal de Suez est fermé suite à la guerre des Six Jours de juin 1967, il doit donc plutôt voyager en train à bord du Transsibérien. Le voyage durera trois semaines à travers l'Europe et la Russie, suivi d'une traversée de la mer du Japon depuis Vladivostok.

En partie à cause de sa jeunesse, mais aussi assez typiquement pour les voyageurs de l'époque, Tissier sait peu de choses sur ce que le voyage lui réserve. Par exemple, il n'est pas au courant du fait que sur le trajet Paris-Moscou, le train n'offrira aucun service de restauration. La guerre froide bat son plein, le train est gardé par des militaires armés, de sorte que les passagers ne sont pas autorisés à descendre. En conséquence, tout ce que Tissier a à manger pendant les trois premiers jours est le chocolat qu'un voyageur japonais avec qui il partagea son compartiment a apporté avec lui. Il supposé également qu'il voyagera jusqu'à Tokyo, mais se rend compte que le bateau qu'il embarque à Vladivostok ne l'emmènera que jusqu'à Yokohama.

Il est accueilli au port par deux élèves de Yamaguchi SeigoYamaguchi Seigo (山口 清 吾, 1924 - 1996) est un instructeur  9e dan d'aïkido au Hombu Dojo de l'Aikikai. Né à Fukuoka, il est présenté à Ueshiba Morihei en 1950 et rejoint l'Aikikai en 1951. En 1958, il est envoyé en Birmanie pour enseigner l'aïkido à l'armée. Il retourne au Japon en 1961 et reprend les cours au Hombu Dojo. : Noguchi Hiroyuki et Ito Mineo. Ils ont été informés de l'arrivée de Tissier par Arai Terunobu, un peintre qui vit en France et s'entraîne avec Nakazono. Les deux hommes l'aident beaucoup pendant les premiers mois de son séjour. Nakazono a également écrit à Yamaguchi pour l'informer de l'arrivée de Tissier, et c'est donc tout naturellement que Tissier se rapproche de lui et de ses élèves. Ito et Noguchi conduisent Tissier dans une auberge de jeunesse à Yotsuya et immédiatement après avoir déposé ses bagages, il se rend au Hombu Dojo de l'Aikikai. Malheureusement, Tissier ne rencontrera jamais Ueshiba Morihei puisque le maître est décédé peu de temps avant son arrivée. Mlle Ito, la secrétaire du Hombu Dojo à l'époque, parle français et le présente au professeur responsable de la leçon en cours, qui n'est autre que Yamaguchi Sensei.

La vie au Japon

Tissier arrive à Tokyo presque sans le sou et à dix-huit ans, ne parlant pas japonais et avec très peu d'expérience professionnelle, il peut difficilement postuler à un emploi. Il doit rapidement déménagé de Yotsuya, pourtant idéalement situé a deux pas du Hombu Dojo, vers un logement moins cher dans le quartier du centre-ville de Kinshicho qui est malheureusement beaucoup plus éloigné. En conséquence, il ne pas pu rentrer chez lui pour se reposer entre les cours et a doit traîner toute la journée autour du Hombu Dojo.

Les conditions de vie vont s'améliorer deux ou trois mois après son arrivée lorsque Mlle Ito présente Tissier à une certaine Mme Kawaguchi qui habite devant le Hombu Dojo. En échange de donner des cours de français à son fils, Kawaguchi propose à Tissier de séjourner gratuitement dans une pièce de 4,5 tatamis située dans le jardin familial. Cela fait de Tissier le voisin le plus proche de la famille Ueshiba. Cet arrangement avantageux lui permet de se consacrer à plein temps à la pratique de l'aïkido et d'assister à tous les cours.

Tissier à Tokyo.

Cependant, il doit revenir vite à la réalité lorsqu'il a reçoit une lettre du gouvernement français lui ordonnant de retourner en France pour accomplir son service militaire, ce qui lui est impossible car il ne peut pas s'offrir le billet de retour. En outre, son visa est sur le point d'expirer et Tissier devient à court d'options. Heureusement, Mme Kawaguchi, qui est une amie du directeur de Gyosei Gakuen, est informée que leur section françaiseLe Lycée Franco-Japonais de Tokyo, qui a été créé en 1967 en tant que Département d'études japonaises et françaises du Département international de Gyosei Gakuen (暁星学園), était principalement fréquenté par des enfants français vivant au Japon, par des japonais des francophones , et par des élèves japonais expatriés rentrant au Japon. recherche un professeur de français sachant parler un peu japonais. Tissier a eu la prévoyance d'obtenir un brevet d'instituteur avant de passer son bac en France et il répond parfaitement aux critères du poste. Grâce aux liens de Gyosei avec le gouvernement français, Tissier est incorporé sur place pour y travailler pendant deux ans au lieu d'accomplir son service militaire. Le poste est également assorti d'un visa diplomatique et d'un salaire confortable du gouvernement français. Ses horaires d’enseignement tombent entre 10h30 et 13h00, ce qui correspond parfaitement à la pause quotidienne au Hombu Dojo.

Tissier avec ses élèves à Gyosei Gakuen (vers 1970)

Une fois les deux ans écoulés, Tissier devient professeur de français à l'Institut franco-japonais de Tokyo, ce qui lui permet de maintenir ses conditions de vie et d'entrainement. En parallèle, il fait également du mannequinat. Christian Tissier veut s'intégrer à la société japonaise et il étudié donc la langue japonaise à la Tokyo School of the Japanese Language et à l'Université de Sophia.

Photo de mode au Japon

Beaucoup de travail en perspective

Le premier cours de Christian Tissier au Hombu Dojo était celui de Yamaguchi Sensei, et la pratique inhabituelle par rapport à ce qu'il a appris est à la fois une source de difficulté et de frustration. Le lendemain, il assiste au cours de 6h30 du Doshu Ueshiba KisshomaruUeshiba Kisshomaru (植芝 吉祥丸, 1921 - 1999) est le fils d'Ueshiba Morihei, le fondateur de l'aïkido. Il a prend la tête de l'aïkido après la mort de son père en 1969. Pour en savoir plus, lisez une biographie complète d'Ueshiba Kisshomaru., qui s’avère plus conforme à ce qu'il connait. Néanmoins, Tissier s epose des questions sur la validité de l'aïkido qu'il voit au Hombu Dojo par rapport à ce qu'il connait, mais il prend sur lui d'ouvrir son esprit et d'apprendre autant qu'il le peut, s'entraînant tous les jours, et assistant à autant de cours qu'il le peut. Ce dévouement lui fait également réaliser qu'il va lui falloir bien plus de six mois pour vraiment commencer à comprendre ce qu'est l'aïkido. C'est à ce moment qu'il décide de prolonger son séjour bien au-delà des six mois initialement prévus.

Christian Tissier prenant l'ukemi pour Ueshiba Kisshomaru Doshu au Hombu Dojo.

Les étrangers sont rares, encore moins ceux de son âge, et Tissier se sent assez isolé et seul. Petit à petit, grâce à son assiduité, il réussit pourtant à tisser des liens. Un jour, Doshu vient lui présenter à un jeune homme d'à peu près de son âge et leur a dit de s'entraîner ensemble. Le jeune porte une ceinture blanche mais il est bien meilleur que Tissier. Après l'entraînement, il se présenté en anglais et a dit : « Je m'appelle Ueshiba, pratiquons à nouveau ! » Le jeune homme est le propre fils de Doshu, Moriteru et à partir de ce moment-là, la vie au dojo change pour Tissier.

Tissier s'entraînant avec Ueshiba Moriteru sous l'œil vigilant de Yamaguchi Seigo.

Selon Tissier, l'ambiance au Hombu était très studieuse. O Sensei vient de décéder, Tohei Koichi SenseiTohei Koichi (藤平 光一, 1920 - 2011) est un aikidoka du 10e dan et le créateur du Ki-aikido. À partir de 1953, il introduit de l'aïkido en Occident, principalement par le biais de voyages réguliers à Hawaï, mais aussi aux États-Unis continentaux et en Europe. enseigne toujours le vendredi et Saito Morihiro Sensei vient d'Iwama le dimanche matin. Selon Tissier, des rumeurs circulent déjà sur une éventuelle séparation de certains professeurs et deshi. Son investissement et son sérieux au dojo lui permettent de se lier rapidement d'amitié avec les jeunes instructeurs de l'époque, Suganuma Morito, Imaizumi Shizuo, Endo Seishiro, et Toyoda Fumio, qui vient d'entrer comme sumikomi shidoin et devient un très bon ami avec Tissier jusqu'à son départ pour les États Unis.

Après la séparation de Tohei Sensei, le retrait progressif de Saito Sensei, puis le départ de Tohei Akira Sensei pour les Etats Unis, le corps enseignant du Hombu change considérablement et la moyenne d'age devient beaucoup plus jeune, à l'exception d'Osawa Sensei qui a 64 ans en 1974. Kisshomaru Doshu a 53  ans et Yamaguchi Sensei a 50 ans, et tous les autres instructeurs ont entre 31 pour Endo Sensei et 45 pour Tada Hiroshi SenseiTada Hiroshi (多田 宏, 1929 - ) est un professeur d'aïkido 9e dan. Né à Tokyo dans une ancienne famille de samouraï, Tada étudie le style de tir à l'arc familial avec son père. Il devient ensuite membre du club de karaté de l'université Waseda sous la direction de Funakoshi Gichin, avant de commencer une formation d'aïkido au Hombu Dojo de l'Aikikai sous la direction d'Ueshiba Morihei en mars 1950. Il est envoyé à Rome en 1964 où il crée l'association nationale, l'Aikikai d'Italia en 1970. Il retourne au Japon en 1971 pour reprendre l'enseignement au Hombu Dojo. Pour compléter sa formation en aïkido, il développe un système d'exercices de respiration et de méditation appelé ki no renma (気の錬磨, culture du ki) basé en grande partie sur les enseignements de Nakamura Tempu.. Selon Tissier, cela a pour effet de concentrer davantage la pratique sur le côté physique, conduisant progressivement à l'abandon des explications philosophiques et des exercices de ki.

Deux mentors et de nombreuses influences techniques majeures

Bien qu'il mette un point d'honneur à s'entraîner avec tous les sensei de l'Aikikai, Christian Tissier développe une relation particulièrement étroite avec deux instructeurs qui, selon lui, ont eu une influence particulière sur sa pratique actuelle ; le deuxième Doshu Ueshiba Kisshomaru et Yamaguchi Seigo Sensei.

Avec Doshu, il apprend l'orthodoxie et la logique des kihon. Peut-être en partie à cause de la proximité d'âge entre Tissier et son propre fils Moriteru, Kisshomaru Doshu agira souvent comme une figure protectrice pour Tissier tout au long de son séjour au Japon et aussi après son retour en France. Assez rapidement, Tissier devient un uke régulier pour Doshu. Les enseignants ont tendance à sélectionner un uke particulier pour une technique particulière et Tissier est souvent appelé lors de la démonstration de juji garami. Doshu, qui est tassez timide, interroge souvent Tissier au sujet des pratiquants étrangers qu'il ne connait pas. Ueshiba Kisshomaru Doshu tient à remettre personnellement à Christian Tissier son septième dan d'Aikikai bioen qu'il soit malade et alité.

Christian Tissier avec Ueshiba Kisshomaru au Hombu Dojo

Avec Yamaguchi Sensei, qu'il suit aussi dans tous les dojo où il enseigne, il apprend qu'une fois que le kihon et les principes sont  assimilés, l'aïkido peut être une recherche personnelle en constante évolution. Tissier cite souvent Yamaguchi Sensei lorsqu'il dit : « L'aïkido est la recherche de l'idéal de pureté par le mouvement », signifiant que s'il faut apprendre et respecter les mouvements et les principes, il faut ensuite se les approprier. Yamaguchi Sensei n'est rien de moins qu'une figure paternelle pour Tissier et le maître l'invite souvent chez lui. Fait intéressant, Tissier lui-même convient que son aïkido ne ressemble pas à celui de Yamaguchi Sensei, mais il soutient que son maître était particulièrement catégorique sur le fait que les gens doivent développer leur propre aïkido et s’abstenir de l'imiter.

Yamaguchi Sensei enseignant en France (uke : Christian Tissier)

Masuda Seijuro Sensei et Saotome Mitsugi Sensei sont d'autres grandes influences pour Tissier. Le Mercredi après le premier cours de l'après-midi, Saotome Sensei emme Tissier au dojo du quatrième étage et lui applique toutes les nouvelles techniques sur lesquelles il travaille et ensuite, en récompense, il lui enseigne les techniques de jo que Tissier pratique encore aujourd'hui.

Plus tard, une nouvelle génération d'enseignants arrive avec de gens tels que Yasuno Masatoshi, Shibata Ichiro, Seki Shoji, Iwagaki Shigenori, et plus tard Miyamoto Tsuruzo, Yokota Yoshiaki et Osawa Hayato. La pratique entre ces jeunes instructeurs est intense et Tissier est l'un des rares à pouvoir soutenir ce rythme.

Christian Tissier et Miyamoto Tsuruzo s'entraînant à l'arrière du Hombu Dojo qui est encore connu aujourd'hui comme un endroit où l'on peut pratiquer intensivement avec des instructeurs Hombu.

Les autres étrangers au Japon

Il y a relativement peu d'étrangers au Hombu Dojo à l'époque, mais Tissier peut rencontrer et s'entraîner avec des gens comme Terry Dobson et Kenneth Cottier, qui se sont tous deux entraînés au Hombu du vivant d'O Sensei. Gérard Sachs et Jean François Perin sont les deux seuls autres Français présents à l'arrivée de Tissier et ils n'ont que récemment commencé l'aïkido au Hombu Dojo. En 1971, les voyages au Japon deviennent plus abordables et le Hombu voit augmenter le nombre de visiteurs. Masuda Sensei nommé Tissier un dojo kanjiDojo kanji (道場幹事, lit. secrétaire du dojo), est un titre donné à un certain nombre d'élèves d'un dojo qui sont chargés d'aider au fonctionnement de l'organisation. chargé de guider les élèves étrangers. C'est pourquoi Tissier décide d'organiser deux fois par an des dîners avec Doshu et tous les étrangers. Ces dîners sont informels et chacun peut librement converser avec Doshu. Un compte rendu de l'une de ces réunions est publié dans l'Aikido Shinbun en mai 1975.

Table ronde avec Doshu. Article publié dans l'Aikido Shinbun. Sur la photo de gauche : Miguel Carlos Teuscher, Juan M. Rivera, Per Winther, Christian Tissier, Richard H. Woodworth, Leif Lyngard Nielsen, Doshu, Kenneth G. E. Cottier, Bio Gabriel (non visible).

Tissier est également chargé de coordonner les étrangers lors de la démonstrations du All Japan à Hibiya Hall.

Christian Tissier démontant au Hibiya Hall lors de la démonstration d’aïkido du All Japan en présence de l'ambassadeur de France Jean-Pierre Brunet (Aikido Shinbun, juin 1975).

La communauté française des pratiquants d'arts martiaux est assez unie et grâce à leur coopération, cela permet à ses membres de régler plus facilement les détails de la vie de tous les jours tels que la recherche d'un travail, de logement, etc. Ils partagent également leur expériences et leurs techniques dans divers arts martiaux lors de rassemblements informels dans l'enceinte de l'Institut français. Tissier se lie notamment d'amitié avec son compatriote aïkidoka et karatéka Lilou Nadenicek. C'est également au sein de ce groupe qu'il rencontre une jeune femme prénommée Micheline, avec qui il sera marié pendant plusieurs années et aura deux enfants. Micheline Tissier est maintenant 7e dan d'aïkido et l'une des enseignantes les plus populaires au monde.

Un pratiquant complet avec une expérience du ring

En plus de son investissement dans l'aïkido, Christian Tissier prend avantage de son établissement au Japon pour se familiariser avec d'autres disciplines martiales. Avec son ami Lilou, il pratique le kickboxing au mythique Meijiro Gym sous la direction de Shima Mitsuo et Fujiwara Toshio, les plus grands champions de leur temps, et il participe même à plusieurs combats sur le ring. Globalement, cette pratique lui permet de comprendre les mécaniques des arts de frappe et leur timing.

Christian Tissier au Mejiro Gym (1970).

Christian Tissier pratique intensivement le kenjutsu sous la direction d'Inaba Minoru Sensei au dojo du Shiseikan. Cet ensemble de connaissances s'avère très important pour son aïkido, lui conférant son aspect particulièrement direct et ses mouvements de coupes. Même après son retour en France, Christian Tissier continue ses expériences martiales en dehors de l'aïkido en s'entraînant avec l'équipe de France de karaté dirigée par son ami Jean-Pierre Lavoratto. Cela l'aide à assoir sa réputation et sa crédibilité en dehors de l'aïkido et à gagner le respect de tous en tant que prartiquant solide.

Un retour en France après plus de sept ans passés au Japon

Une fois que Christian Tissier est promu quatrième dan lors du Kagamibiraki de 1976, Yamaguchi Sensei lui suggère de retourner en France afin de promouvoir l'aïkido là-bas et d'enseigner ce qu'il a appris au Hombu Dojo de l'Aikikai. Tissier s'installe définitivement en France en juin 1976 et commence à enseigner peu de temps après. Yamaguchi Sensei le rejoint le mois suivant et passe deux mois en Europe. Chiba Kazuo SenseiChiba Kazuo (千葉 和雄, 1940 - 2015) est un professeur d'aïkido du 8e dan. Né près de Tokyo, il pratique le judo et le karaté Shotokan. En 1958, il est admis comme uchi deshi au dojo Hombu Dojo de l'Aikikai et commence à enseigner en 1962. Il s'installe au Royaume-Uni, puis aux États-Unis, où il développe considérablement l'aïkido. est informé de ce voyage et il invite Yamaguchi Sensei comme instructeur à son stage d'été en Angleterre, où Yasuno Sensei est également invité. Pendant ces deux mois, Tissier et son professeur voyagent également dans toute la France et en Suisse. Une fois de retour à Paris, il organise un séminaire avec Yamaguchi Sensei qui rassemble seulement vingt-trois pratiquants. Dix ans plus tard, ce sont plus d'un millier de personnes qui voyageaient régulièrement de toute l'Europe pour assister aux stages que Yamaguchi Sensei donne en Europe deux fois par an.

Christian Tissier et Yamaguchi Seigo

À son retour en France, Tissier n'a que vingt-cinq ans et il est déjà un quatrième dan, ce qui est l'un des grades les plus élevés en France à l'époque. Il s'est entraîné à Hombu et a le soutien du Doshu, mais bien qu'il ait été très bien reçu par Tamura Nobuyoshi Sensei, Tissier subi une certaine animosité de la part de personnes autour de Tamura Sensei. Malgré cela, il commence à enseigner dans plusieurs petits dojo, le plus grand ne faisant qu'une cinquantaine de mètres carrés. Assez rapidement cependant, il attire bon nombre de yudansha de France et de l'étranger. A cette époque l'aïkido est déjà assez développé mais il est peu structuré en termes de pédagogie. Tissier estime que parmi les instructeurs français, les techniques de base ne sont pas bien comprises et que la pratique est trop statique. Il veut également mettre en évidence certaines notions qui manquent, comme celle de centre et de contact.

Un établissement solide en tant qu'instructeur de premier plan

Tissier rachète plus tard le dojo de Jean-Pierre Lavorato. Là, il fonde sa propre école, Le Cercle Christian Tissier, qui est aujourd'hui l'un des plus importants centres privés européens d'arts martiaux. En effet, ses 750 mètres carrés accueillent non seulement des cours d'aïkido mais aussi de judo, karaté, ninjutsu, jujutsu pour n'en citer que quelques-uns, tous animés par des instructeurs de haut niveau.

Christian Tissier enseigne à Vincennes

A partir des années 80, les échanges entre l'Europe et le Hombu deviennent de plus en plus fréquents. Yamachi Sensei continue à venir en France deux fois par an et Endo Sensei vient une fois. Le troisième congrès de la Fédération Internationale d'Aikido se tient à Paris en 1980 et Kisshomaru Doshu, Waka Sensei et Osawa Hayato ainsi que des shihan du monde entier font le déplacement. Doshu demande à Tissier de prendre l'ukemi pour lui, avec Osawa et Waka Sensei, lors de la démonstration de clôture.

Démonstration du Second Doshu Kisshomaru Ueshiba au 3ème Congrès de la Fédération Internationale d'Aikido à Paris (1980). Uke sont Moriteru Ueshiba Waka Sensei, Hayato Osawa Sensei et Christian Tissier Sensei.

Christian Tissier participe activement avec Jacques Abel, Louis Clériot et Michel Hamon, à la formation en 1983 de la Fédération Française d'Aïkido, Aïkibudo et Affinitaires (FFAAA), qui est aujourd'hui le plus important groupe d'aïkido en France. C'est en effet Tissier lui-même qui propose le nom du groupe et en devient de facto le leader charismatique. La FFAAA est officiellement reconnue par la Fondation Aikikai et elle représente la France au sein de la Fédération Internationale d'Aikido. Elle compte aujourd'hui plus de 25 000 pratiquants dans environ 800 clubs.

Christian Tissier au Cercle Tissier à Paris

Une réputation internationale

Tissier est rapidement invité à donner des stages hors de France et il a maintenant des élèves dévoués partout dans le monde. Cependant, contrairement à d'autres enseignants, il ne souhaite pas créer une organisation internationale, précisant qu'il n'y a pas d'organisation Tissier, et qu'il est un élève de l'Aikikai et donc qu'il enseigne l'aikido de l'Aikikai. Tissier préfère favoriser les relations personnelles avec chacun de ses élèves. Ma relation avec lui a en fait commencé lorsque Cyril Lagrasta et moi l'avons invité à enseigner pour la première fois en Irlande en 2007. Nous étions une organisation relativement petite et nos ressources étaient assez limitées, mais Tissier a organisé ses propres déplacements pour venir nous aider à développer notre école.

Christian Tissier enseignant à l'University College Dublin en 2007 (uke : Guillaume Erard).

Malgré ses responsabilités et son emploi du temps chargé d'enseignement en France, en Europe et sur le continent américain, Christian Tissier veille à garder ses liens avec le Hombu Dojo, passant plusieurs mois chaque année au Japon. Il reçoit le cinquième dan Aikikai en 1981, le sixième dan en 1986 et le septième dan en 1998. Il reçoit peu de temps après le prestigieux titre de shihan, ce qui a fait de lui le tout premier non-Japonais à atteindre un tel rang.

Tissier est l'un des premiers étrangers à donner des stages d'aïkido au Japon, notamment ceux organisés par Okamoto Yoko Shihan, qui a étudié à Paris avec lui pendant plusieurs années. Tissier est également le premier non-japonais à enseigner lors d'un congrès de l'IAF.

Christian Tissier enseignant au Kyoto Butokuden lors du séminaire international 2015 organisé par Aikido Kyoto (uke : Guillaume Erard).

Tissier est nommé par Ueshiba Moriteru Doshu en tant que membre du Conseil supérieur de l'IAF et il soutient régulièrement des activités telles que les congrès, les jeux de combat et, plus récemment, les Masterships d'arts martiaux organisés en Corée.

Christian Tissier enseignant lors des Masters mondiaux d'arts martiaux de Chungju 2019 en Corée (uke : Guillaume Erard)

Christian Tissier est bien connu pour promouvoir l'aïkido sur les tatami autant que dans les médias, avec les démonstrations annuelles au Festival des Arts Martiaux de Bercy à Paris, et à travers ses nombreux livres et DVD.

Quelques livres de Christian Tissier.[/caption] En juillet 2012, Christian Tissier reçoit le Prix du Ministre des Affaires Etrangères Japonais des mains de son excellence Komatsu Ichiro, ambassadeur du Japon en France, en reconnaissance de sa contribution exceptionnelle à la promotion de l'amitié entre le Japon et l'Europe.

Christian Tissier recevant le Prix du Ministre des Affaires Etrangères Japonais.

Tissier est également un invité d'honneur lors de la visite du Premier ministre japonais Abe Shinzo en France en 2014.

Dîner au Palais de l'Elysée en l'honneur de Shinzo Abe, Premier ministre du Japon (2014). De gauche à droite : Abe Shinzo, François Hollande, Abe Akie, Christian Tissier.

Le 9 janvier 2016, Christian Tissier reçoit le huitième dan des mains de Ueshiba Moriteru Doshu lors de la cérémonie Kagamibiraki, en même temps que Miyamoto Tsuruzo Shihan et Kimura Jiro Shihan.

Promotion de Christian Tissier au huitième dan.

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À-Propos

Guillaume Erard est titulaire du titre de Shihan 6e Dan en Aïkido (Hombu Dojo de l’Aïkikaï, Tokyo) et du titre de Kyōshi 5e Dan en Daïto-ryu Aiki-jujutsu (Hombu Dojo de Shikoku). Résident permanent au Japon, il dirige un dojo d’Aïkido à Yokohama et anime régulièrement des stages internationaux. Il est docteur en biologie moléculaire et titulaire d’un Master 2 en sciences de l’éducation. Ses recherches portent notamment sur les dimensions pédagogiques et historiques de la transmission des arts martiaux japonais. Il a publié de nombreux articles dans des revues spécialisées en France et au Japon, et a collaboré à la rédaction du dernier ouvrage de Christian Tissier.

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