Entretien avec Ellis Amdur Partie 3 : La désescalade de la violence et la pertinence de l'Aikido

Entretien avec Ellis Amdur Partie 3 : La désescalade de la violence et la pertinence de l'Aikido

Ceci est la troisième partie de l'entretien que j'ai réalisé avec Ellis Amdur, instructeur en arts martiaux traditionnels japonais et psychologue spécialiste des situations de crise. Dans cette section, Ellis et moi discutons de son travail en tant que professionnel de la désescalade de la violence, de ses stratégies, de l'influence de sa formation en arts martiaux sur son travail et de la pertinence des arts martiaux, en particulier l'Aikido, en termes de lutte contre la violence et de la promotion de la morale. Cette partie de l'entretien est très intéressante pour moi car elle touche plusieurs sujets scientifiques et moraux très importants à mes yeux. J'espère que cette section servira à la fois d'introduction approfondie aux idées de M. Amdur, ainsi que de point de départ pour ceux qui souhaiteraient en savoir plus sur les mécanismes neuronaux face à la peur, la colère et la violence. Pour aider le lecteur, j'ai essayé de référencer tout le travail que nous citons tout au long de cette discussion. La lecture de la partie 1 (biographie) et la partie 2 (point de vue sur l'aikido et les arts martiaux traditionnels) de cet entretien sont fortement conseillées pour pouvoir bien aborder cette troisième partie.

Guillaume Erard : Pouvez-vous nous parler de votre activité professionnelle ? Je coache parfois des parents qui ont un enfant soi-disant malade mentalement parce que trop souvent, l'enfant n'est en fait pas malade

Ellis Amdur : Ma profession se divise en trois ou quatre parties. Je fais un peu de psychothérapie, de nos jours, surtout de la thérapie de couple. Je n'ai pas de bureaux, je vais chez les gens et j'essaie de sortir de leur vie aussi vite que possible. Nous avons de longues séances, parfois jusqu'à trois heures, et si j'ai cinq séances consécutives avec quelqu'un, je considère cela comme une thérapie longue. Je fais aussi des consultations pour les entreprises quand ils ont un employé menaçant. Je rencontre en général cet employé afin d'évaluer sa dangerosité. Je consulte aussi avec des gens qui sont harcelés afin de déterminer tactiquement à quel point le harceleur est dangereux et pour définir avec la police ce qu'il faut faire. Je coache parfois des parents qui ont un enfant soi-disant malade mentalement parce que trop souvent, l'enfant n'est en fait pas malade. Les parents — et la culture dans laquelle nous vivons — sont souvent à l'origine du fait que l'enfant agisse de manière que nous appelons « malade ». Je ne peux pas lutter contre la culture, mais je peux travailler avec les parents pour les aider à articuler une manière de se comporter avec leurs enfants qui manifeste de l'intégrité et, ce faisant, aider l'enfant à devenir en un être intègre. Ces temps-ci, j'enseigne et j'écris beaucoup au sujet de la désescalade et de l'apaisement des gens agressifs et des malades mentaux, en coordination avec les forces de l'ordre mais aussi avec les services sociaux. J'ai publié neuf livres, chacun d'entre eux étant spécifique à une profession en termes de méthode de désescalade de la violence : pour la police[1], les agents correctionnels[2], les agents de probation et de libération conditionnelle[3], les personnels de sécurité[4], les services sociaux[5], les hôpitaux[6], les préposés aux appels de secours[7] et les familles qui vivent avec des personnes souffrant de troubles mentaux[8]. Le contexte de chacun de ceux-ci étant différent, les stratégies de base doivent être intégrées dans chaque contexte particulier, et adaptées pour répondre aux responsabilités de ceux qui travaillent ou qui vivent au sein de ce contexte.

Guillaume Erard : Je réfléchissais récemment sur le sujet de la violence[9] et j'ai regardé une conférence que vous avez donnée à ce sujet. Vous y avez dit quelque chose que j'ai trouvé intéressant en tant que biologiste, vous avez abordé la violence en termes d'avantages évolutifs et fait valoir que les pensées ou les comportements violents ont probablement donné, à un moment donné (et probablement toujours aujourd'hui), un avantage sélectif, sinon ils n'auraient pas été conservé à travers les générations.

Ellis Amdur : La façon dont je cadre l'agression est inspirée des idées du neurobiologiste David Eagleman[10], qui dit que notre cerveau est composé d'une multitude de sous-systèmes neuronaux "zombis", qui sont inconscients et qui échappent au contrôle du conscient. Cela signifie que chaque sous-système est en concurrence avec l'autre. Quand les choses fonctionnent, nous ne sommes même pas conscients du conflit. La conscience est donc le produit d'un conflit entre ces systèmes et qui nécessite l'attention pour le résoudre afin que nous puissions agir. Pensez-y comme à une assemblée politique ; personne ne remarque la plupart des tâches du gouvernement, c'est seulement quand il y a un débat, lorsqu'une décision doit être prise, que les vecteurs sont vraiment forts.

Ellis Amdur en conférence

Par exemple, je suis marié, j'aime ma femme passionnément, mais quand je vois d'autres jolies femmes, il y a une partie de mon cerveau qui dit : « Reproduis-toi avec cette femme ; l'ADN pourrait survivre avec ça. » C'est irréfléchi, c'est immoral. La plupart du temps, il n'y a pas vraiment de débat dans ma tête, seulement une étincelle d'attention et un désir, mais quand il y a un débat, la partie simiesque de mon cerveau, celle qui a évolué pour mentir proposera : « Pourquoi devrais-je être fidèle, elle ne le saura jamais ». En réponse, la partie plus humaine dit : « Moi je vais le savoir, et je vais donc la traiter différemment, et cela va nous affecter. » Nous sommes un mélange de bête et d'ange. L'intégrité, quel que soit le degré auquel nous l'ayons développée, gouverne au sein d'une multitude d'avis contraires. Pour revenir brièvement à notre discussion sur le budo, je pense que le but de ce qu'on appelle seishin tanren est le développement d'une telle intégrité, pas celui d'un esprit abstrait.

Guillaume Erard : Comment abordez-vous l'agression avec vos clients ?

Ellis Amdur : Sur la base de ce que j'ai appris au Japon, j'ai créé mon propre proverbe : « Quand je vais au pays du lion, je n'essaie pas d'être un lion, je reste un tigre et ils vont apprendre à aimer mes rayures. » En d'autres termes, quand j'enseigne à la police, je ne prétends pas être un policier. Quand j'enseigne aux services sociaux, je pose beaucoup de questions au sujet de leur clientèle, de ce qu'ils font, je ne présuppose pas que je connais leur travail, ils me renseignent sur le travail. À partir de là, quand je commence à parler d'agression dans leur propre contexte, il est très rare que je trouve quelqu'un qui ne sache pas de quoi je parle ou qui s'y oppose. (Rires) De temps en temps, généralement dans les services sociaux, je vais avoir quelqu'un qui a un programme qu'ils aiment argumenter, mais comme je l'ai décrit plus tôt à propos de l'aikido,[11] je viens en bon client, et je traite la maison avec respect. La rage est un état dans lequel le cerveau reptilien voit un problème et le confond avec un cas de survie Je commence souvent par parler de l'agression dans les relations amoureuses, car en plaçant le sujet dans le vécu des gens, ils peuvent tout de suite voir ce dont je veux parler. Tout le monde se met en colère dans sa propre maison, tout le monde peut être frustré et parfois nous devenons enragés. La rage est un état dans lequel le cerveau reptilien voit un problème et le confond avec un cas de survie. Par exemple, je demande aux gens s'ils ont déjà été furieux contre leur enfant et ce qui les a empêchés de les frapper. Cela leur fait prendre conscience à la fois de leur propre rage, mais aussi de leurs inhibiteurs. En termes de désescalade des autres, j'enseigne aux gens comment devenir l'inhibiteur de la rage de la personne agressive lorsque celle-ci a des difficultés à s'inhiber elle-même.

C'est en fait assez similaire au rôle d'un bon uke dans les koryu. Comme je l'ai dit plus tôt,[11] en koryu, le uke est le pratiquant le plus expérimenté, il est chargé de créer les conditions dans lesquelles les élèves puissent s'exprimer aussi pleinement que possible, sans que lui-même ne soit blessé, ou sans qu'il soit tellement meilleur que les élèves jusqu'au point que ceux-ci ne puissent plus progresser. Si vous voulez effectuer la désescalade de quelqu'un, vous devez avoir la bonne tactique. Comme un cheval sauvage, vous ne pouvez pas simplement tirer sur ses rênes, il doit courir, mais dans la bonne direction. Je présente des exemples concrets d'agression ou de troubles mentaux basés sur le changement de forme que j'ai décrit précédemment.[11] J'ai la capacité à exprimer de l'intérieur à peu près n'importe quel comportement, que ce soit la colère, la rage, la psychose, etc. Quand je commence à faire ça, les gens voient leurs propres clients. Les agents des forces de l'ordre, par exemple, voient le type qu'ils ont arrêté la semaine dernière. Souvent, ce que je fournis en tant que solution est quelque chose qu'ils ont déjà fait. Quelqu'un qui travaille dans des situations intenses depuis plusieurs années va souvent faire la chose juste. Le problème est que quand celle-ci est le fruit de l'instinct, vous ne pouvez pas la déclencher sur commande. Une grande partie de la formation que je propose est donc de porter l'attention sur des compétences qu'ils possèdent déjà. Si vous faites quelque chose en pleine conscience, c'est un produit de votre volonté, mais si cette chose est simplement intuitive, elle ressemble à un accident. L'intuition utilise les parties primitives du cerveau qui ne communiquent pas par des mots, mais viscéralement, à travers des sensations.

Ce que j'enseigne est une méthode où les gens associent leurs sensations avec l'expérience. Quand quelqu'un vous hurle dessus, quelle sensation physique ressentez-vous ? Le problème est que les gens ont tendance à répondre immédiatement : « Je me sentais anxieux », « apeuré » ou « en colère ». Pourtant, « se sentir anxieux » est le label que l'on appose sur une sensation de peur. Mais quelle est cette sensation associée à la peur ? Pour moi, c'est une sensation de froid au creux de mon ventre, et de mes mains qui deviennent moites et tremblent un peu. Ce n'est pas tellement différent de la sensation que l'on a lorsqu'on tombe amoureux n'est-ce pas ? Comment faire la différence entre ces deux expériences si similaires ? Parfois, la différence est très subtile, et parfois il s'agit simplement d'un contexte différent.

Guillaume Erard : C'est comme l'analogie entre la peur et une alarme d'incendie trop sensible, avoir peur peut être bénéfique pour la survie, c'est-à-dire que la peur a le pouvoir de vous sauver la vie, mais elle peut aussi avoir des ratés et être ressentie trop souvent pour rien, c'est-à-dire comme quand une alarme d'incendie sonne pour rien lorsque vous faites la cuisine.[12]

Ellis Amdur : Certes, une partie du problème est une hypersensibilité, mais une autre partie est aussi la mauvaise interprétation de ces sensations. Beaucoup de gens, en particulier dans les sociétés libérales occidentales, ont tendance à interpréter leurs expériences d'une manière qui peut les mettre en danger. nous convainquons à tord que nous sommes hors de danger en raison d'un mauvais étiquetage de nos sensations Par exemple, vous êtes dans le métro et un groupe d'hommes appartenant à un groupe ethnique différent vous regarde. Vous ne voulez pas être raciste mais ils vous regardent et vous ressentez un frisson de peur. Vous pensez : « Ce n'est pas juste, je suis raciste envers ces jeunes hommes, je ne devrais pas ressentir cela. » Mais si dans ce cas particulier, ils sont vraiment des prédateurs, votre désir d'être sans préjugés annule ce que votre instinct de survie vous dicte, et cela vous met en danger. Donc, nous nous convainquons à tord que nous sommes hors de danger en raison d'un mauvais étiquetage de nos sensations. Ce que je propose, c'est que même si le cerveau reptilien peut se tromper, il est honnête.

Soit dit en passant, je suis curieux de savoir combien de lecteurs ont immédiatement imaginé un groupe ethnique particulier, supposé que j'imaginais le même groupe qu'eux, et se sont offensés de ce qu'ils ont cru être mon racisme. Voici un autre exemple de la mauvaise attribution dont je parle, dans ce cas, une trahison de soi-même en termes biologiques. Un client m'a dit une fois : « Ellis, vous m'avez aidé plus que quiconque dans toute ma vie. » Lorsqu'il a dit cela, j'ai spontanément commencé à sourire, un petit sourire que j'ai toujours quand quelqu'un m'informe qu'il veut me faire du mal. C'est quelque chose que je fais automatiquement, je m'étire et je souris. En raison du contexte, j'étais le thérapeute de l'homme et je l'avais vraiment aidé, j'ai mis de côté cette perception qu'il voulait me faire du mal. Plus tard, cet homme m'a empoisonné. Suite à cette horrible expérience, je ne cherche plus à analyser mes réactions. Analyser ces sensations, c'est comme démonter votre montre en supposant que vous pouvez la remonter une fois que vous en aurez vu les engrenages.

En ce qui concerne ces réactions de survie, elles sont comme elles sont et je veux les laisser telles quelles. Le contexte dans ce cas, c'est qu'il me remerciait en larmoyant un peu, alors j'ai pensé que j'étais idiot de me méfier. Lorsque les gens me font un compliment, je me sens souvent mal à l'aise. J'ai donc étiqueté cette sensation de méfiance, de danger, comme le fruit de mon inconfort. Lorsque plus tard, il m'a donné un peu de nourriture, je l'ai mangée. Ce que j'ai appris c'est que la sensation est honnête, mais les sentiments, nos étiquettes pour ces sensations, ne le sont pas.

Guillaume Erard : Le biologiste Randolph Nesse affirme que les patients ayant certains problèmes psychologiques (c'est-à-dire des sentiments mal interprétés ou surreprésentés) peuvent être traités si on leur explique d'où vient leur trait particulier et à quoi il sert en termes d'évolution. Quelle importance, le cas échéant, attribuez-vous à l'explication des émotions en termes évolutionnaires lorsque vous traitez des individus anxieux ou en colère ?[13]

Perspective évolutionnaire de Randolph Nesse sur l'anxiété

Ellis Amdur : Cela dépend de la situation et à qui je parle, mais je fais cela assez souvent, pas seulement pour les personnes qui doivent désamorcer l'agressivité des autres, mais aussi pour les personnes qui doivent contrôler leur propre agressivité.

Guillaume Erard : Quelle est votre méthode pour vous assurer que vous n'interprétez pas mal une sensation ? La réponse japonaise la plus classique à quelqu'un qui apporte son bagage psychologique dans le dojo est une intolérance aux excuses et à la faiblesse

Ellis Amdur : Dans Matthieu 7:16, il est dit : « C'est à leurs fruits que vous les reconnaîtrez. Cueille-t-on des raisins sur un buisson d'épines, ou des figues sur des chardons ? » Si je juge mal les gens, je reçois des réactions, parfois des épines, parfois des chardons, parfois du poison. Une mauvaise interprétation vient généralement des antécédents de la personne. Par exemple, certaines personnes qui, enfants, ont été victimes de violence ont des déclencheurs très sensibles, parce que ce tempérament les a aidés une fois à survivre. Malheureusement, cet état persiste, même dans un contexte où il ne permet pas de survivre. Leur tâche est de différencier davantage. Oui, ils ont mal à l'estomac quand leur partenaire leur crie dessus, mais qu'est ce qui différencie cette sensation, cette expérience, de ce qu'elle était quand leur père, ou leur agresseur criait. Qu'est-ce qui les différencie eux-mêmes ? Ils se sentent peut-être comme des petits enfants lorsque leur partenaire hausse la voix, mais ils sont maintenant des adultes, et ils ne sont plus sans défense, à moins qu'ils ne se définissent eux-mêmes en tant que tels.

Guillaume Erard : La question évidente est de savoir comment les budo peuvent aider dans tout cela.

Ellis Amdur : La réponse japonaise la plus classique à quelqu'un qui apporte son bagage psychologique dans le dojo est une intolérance aux excuses et à la faiblesse. La réponse du guerrier japonais serait : « La pire chose qui va vous arriver, c'est que vous allez mourir. Et puisque cela va arriver de toute façon, quel est le problème ? » Je ne dirais pas que le budo « aide ». Pour ceux qui ne vont pas au budo que pour apprendre à se battre (ce qui, soit dit en passant, est la raison principale pour laquelle il faudrait aller au budo), mais aussi pour faire face à leurs démons, le budo peut être un outil dont ils se servent pour se forger. Mais le budo est seulement un véhicule. le budo japonais n'est pas principalement une méthode de culture interne, ni un exercice pour vivre longtemps J'ai vu mon fils cadet faire cela avec la musculation. C'était un garçon maigre, avec une sensibilité à fleur de peau, mais il a décidé, un jour, je pense qu'il avait environ 12 ans, qu'il voulait devenir plus que ce qu'il était. Il est allé voir le professeur d'haltérophilie de son école et lui a demandé de commencer sa formation. Il est devenu étonnamment fort, mais plus important encore, il a également développé en lui des qualités de courage, de confiance et de joie — une accentuation des qualités qu'il possédait dès la naissance, mais il les a développées grâce à un entraînement autodirigé, concentré, où il était essentiellement seul avec l'altère. Peut-on dire que c'est la levée de poids ou l’entraîneur qui ont fait cela pour lui ? Ou a-t-il utilisé l'haltérophilie comme son véhicule ? On peut utiliser le budo de cette même manière, mais ce n'est pas une automatique. Au contraire d'un courant très fort dans les arts martiaux chinois, le budo japonais n'est pas principalement une méthode de culture interne, ni un exercice pour vivre longtemps avec comme but, comme la pensée taoïste le suggère, d'avoir suffisamment d'années dans ce monde pour avoir le temps de se développer en un « immortel ». Il sanctifie plutôt le geste altruiste, quoique dans un sens classique du terme, au service d'un seigneur ou d'une cause supérieure. Un acte désintéressé est promulgué, si ce n'est au-delà des pensées de vie ou de mort, au moins, pas influencé par elles.

Je me souviens il y a quelques années, j'avais été embauché par une société pour interviewer l'un de leurs employés dont ils redoutaient une violence imminente. Il était connu pour avoir des armes à feu. J'allais le rencontrer seul, mais il y aurait un policier armé, posté hors de la salle et à son insu. Je me souviens que la nuit d'avant, j'avais mal à l'estomac, et j'ai étiqueté ça comme de l'anxiété. Je n'avais pas fait ce type de travail depuis un certain temps. Mais après quelques minutes, je me suis souvenu : « Ce n'est pas l'anxiété. Tu es né pour cela. » J'étais en fait excité et heureux. J'avais oublié qui j'étais. La réunion s'est très bien passée. Une drôle de chose, cependant, il avait été convenu qu'en cas d'urgence, je toucherais mon oreille, ce qui signalerait au policier d'entrer dans la salle arme à la main. Après un début tendu, les choses ont commencé à aller en douceur. La plupart des évaluations sont vécues par l'autre comme une sorte de violation — l'évaluateur examine froidement, et en substance, vole à l'autre. Une façon dont je travaille est que, dès que je peux, j'offre quelque chose à l'autre personne. Sur la base de ce que j'entends et observe, je propose une suggestion qui, sans doute, permettrait d'améliorer la situation de l'autre s'il se décidait à la suivre. Non seulement l'offre d'un cadeau change la dynamique entre nous, elle me permet d'évaluer — et je révèle cela ouvertement — comment il accepte de tels dons. Pour l'entreprise, cette information est essentielle pour savoir si des mesures correctives sont nécessaires ou non. Quoi qu'il en soit, les choses sont allées de mieux en mieux et la situation n'était plus dangereuse. Je me suis détendu. Et soudain, mon oreille a commencé à me gratter. Alors, sans réfléchir, j'ai gratté. (Rires). Et j'ai pensé, « Oh, non, cette situation est sur le point de bientôt devenir vraiment compliquée ! » Mais le policier n'est pas entré. J'ai été soulagé, mais en même temps, un peu irrité parce que je pensais qu'il était en train dormir. Il m'a dit plus tard qu'il avait bien vu mon signal, mais qu'il avait observé mon langage corporel tout au long, ainsi que celui de l'autre homme, et que rien ne lui avait indiqué un quelconque danger, et il a donc décidé d'attendre. Ça c'est de l'évaluation de menace réelle ! Autrement dit, une vraie compréhension du kamae.

Guillaume Erard : Au sujet de la perception des signes, vous avez mentionné quelque part le travail de Paul Ekman sur les micro-expressions.[14] Je peux comprendre le fait que celles-ci soient ubiquitaires, mais de là à les utiliser consciemment pour décoder les intentions, j'ai plus de doutes. Comment utilisez-vous cette recherche précisément ?

Paul Ekman

Ellis Amdur : Pas en mesurant les microcontractions. Il y a un laboratoire à Seattle géré par John Gottman,[15] un théoricien de couple, qui fait cela à l'aide de machines. Si vous avez un problème avec votre partenaire, vous allez à son laboratoire amour, et tout ce que vous faites est enregistré 24h/24, sauf la salle de bain, et il analyse les interactions entre les couples, y compris les micromouvements. si je suis vraiment qualifié, ce que je devrais être capable de faire est d'avoir un autre niveau dans lequel je peux littéralement accéder à ma peur, et un niveau auquel je l'utilise pour prendre quelque chose en vous et pour en profiter En pratique, nous saisissons instinctivement ces micromouvements dans leur ensemble. Combien de fois avez-vous jeté un coup d'œil à votre épouse et dit : « Tu as eu une journée difficile hein ? » Ce n'est pas surnaturel, pas besoin de mystifier cela. Nous percevons très bien des changements très subtils dans les expressions du visage et de l'organisation physique. Si je fais deux expressions faciales différentes, l'une terreur et l'autre surprise, elles se ressemblent et pourtant vous et la plupart des gens, serez immédiatement en mesure de faire la différence. C'est l'un des problèmes que rencontrent les personnes autistes ; ils ont des difficultés extrêmes à faire de telles distinctions.

Physiquement, pendant la terreur, les joues sont molles, c'est subtil, mais vous pouvez voir la différence depuis l'autre côté de la pièce. Si nous nous battions avec une épée et que j'avais une expression plutôt que l'autre, vous sauriez repérer la différence et adapter votre tactique. Maintenant, si je suis vraiment qualifié, ce que je devrais être capable de faire est d'avoir un autre niveau dans lequel je peux littéralement accéder à ma peur, et un niveau auquel je l'utilise pour prendre quelque chose en vous et pour en profiter. C'est ce qui se passe en Kiai-jutsu. C'est un niveau complet de la formation psychologique que j'ai suivie au Japon. Il ne s'agissait pas seulement de « sentir vos émotions », mais de « pouvoir utiliser vos émotions dans un but ». Cela n'est possible que lorsque vous les ressentez vraiment parce que si vous les feignez, l'autre personne saura faire la différence.

Guillaume Erard : Nous abordons deux tendances qui sont présentes dans les budo, mais aussi plus généralement dans la pensée actuelle. Les gens aujourd'hui veulent soit combattre leurs instincts, les considérant comme bestiaux ou mauvais, soit ils veulent revenir à une sorte de mode de vie ancestral hédoniste et harmonieux, qui en réalité n'a jamais existé.[16] On peut justifier tout et n'importe quoi de cette manière, en faisant valoir que si l'acte est pur ou éclairé, il n'y a pas de souillure morale

Ellis Amdur : Vous savez, la plupart des gens ont tendance à penser en termes de slogans publicitaires ces temps-ci. Au contraire, nous devrions déconstruire les choses et les observer en détails, nous ne pouvons pas simplement dire « J'ai un bon feeling à ce sujet, donc ça doit être vrai ». Comme je l'ai dit, je suis en train de travailler sur mon livre Traditions martiales : Origine et transmission du savoir dans les écoles d'escrime japonaise[17] et j'ai un chapitre sur la formation ésotérique au 21e siècle. J'écris sur les deux courants du néoconfucianisme, qui ont tous deux été transmis au Japon au cours de la même période. L'un, le Lixue, est « l'État au-dessus de tout » ; suivez la hiérarchie et tout ira bien. L'autre, le Xinxue, dit que la vérité ne peut être trouvée que grâce à l'inspiration et l'intuition, et que l'intégrité d'un individu est dans l'action, pas la pensée, la pensée allant à l'encontre de cela. Le néoconfucianisme est important car il est un pilier des arts martiaux japonais. Contrairement à la façon dont les gens perçoivent souvent ces doctrines, c'est-à-dire de façon antithétique et mutuellement exclusive, nous devons tenir aux deux en même temps plutôt que de choisir l'une ou l'autre comme philosophie personnelle. Il y a des moments pour une hiérarchie naturelle, c'est la façon dont la société marche de toute façon, non seulement parce que quelqu'un doit être au-dessus de nous, mais parfois, même si une personne en particulier ne devrait pas l'être, nous devons l'accepter pour pouvoir fonctionner en tant que société. Le problème de la perspective Lixue est que si elle est prise à son extrême, on entre dans le fascisme.

Le Xinxue, l'acte d'un homme en tant que sa propre justification est romancée dans le terrorisme. Xinxue, ou Oyomei en japonais, est très proche du Zen. Selon plusieurs livres, à peu près l'ensemble de la hiérarchie bouddhiste avant la Seconde Guerre mondiale, en particulier dans le Zen, était en faveur de la guerre, et soutenait des thèses du genre : « Il est justifié de tuer l'enfant d'un pays ennemi parce que vous l'aidez à entrer dans une meilleure incarnation ».[18] On peut justifier tout et n'importe quoi de cette manière, en faisant valoir que si l'acte est pur ou éclairé, il n'y a pas de souillure morale. Certaines personnes aiment l'une ou l'autre des idéologies, et c'est ce qu'ils attachent à leur art martial, leur pensée sociale, ou autre chose. Nous devons nous efforcer d'être des hommes et des femmes irréprochables qui, par définition, doivent faire un compromis. Emmanuel Levinas, dans « Autrement qu'être ou au-delà l'essence »[19], affirme qu'une véritable relation éthique ne peut exister que s'il n'y a que deux personnes au monde, car avec une troisième, la justice apparait. Pour revenir à la question de la violence dans les arts martiaux, certaines personnes aiment prétendre qu'elle n'existe pas. Certains fantasment qu'ils sont des primitifs modernes, mais si c'est vraiment le cas, c'est qu'ils sont des meurtriers. Dans son livre, « War Before Civilization: The Myth of the Peaceful Savage » [NDR : Litt. La Guerre avant la Civilisation : Le mythe du Savage Paisible][20], Lawrence Keeley établit que par le passé, le génocide était à peu près la norme. Cette façon idéaliste de penser me rappelle la fois où j'ai vu un gars sincère demander à Ueshiba Kisshomaru à quel moment son père était-il devenu un pacifiste. Quand cela lui a été traduit, Doshu a éclaté de rire. Je ne me rappelle pas l'avoir jamais vu rire si sincèrement et sans retenue. Il pensait que c'était extrêmement drôle.

Guillaume Erard : Il est en effet désirable pour un membre d'une tribu réduite d'avoir un cerveau programmé pour faire en sorte que les gènes qui se répandent autour de soi aient le plus d'homologie possible aux siens. En d'autres termes, cette pression de sélection fait en sorte que les populations génocidaires ont plus de chances de perpétrer leurs gènes, et donc les gènes responsables de tels comportements. En partant de ce constat, je ne peux pas m'empêcher de m'émerveiller du fait que notre société ait adopté des valeurs morales aussi développées en si peu de temps. Ce qui est effectivement remarquable aujourd'hui, c'est que nous pouvons entendre parler de quelqu'un qui a été maltraité à l'autre bout du monde, et cela nous affecte

Ellis Amdur : Absolument. Pendant une grande partie de l'évolution humaine, nous étions en bandes de 10 à 40 chasseurs-cueilleurs. Ce petit noyau de gens comprenait les seuls êtres humains sur la planète. Les gens de l'autre côté de la vallée étaient « eux », ils avaient des dieux et des magies différentes. Nous échangions avec eux, mais ils n'étaient pas « nous ». Si nous apprenions qu'un enfant avait été tué dans cette vallée, cela nous était indifférent. Par contre, si nous apprenions la mort de quelqu'un dans notre propre village, même quelqu'un que nous n'aimions pas tant que ça, il était notre chair. Quand quelqu'un qui nous apparaît comme un être humain meurt, cela nous affecte. Ce qui est effectivement remarquable aujourd'hui, c'est que nous pouvons entendre parler de quelqu'un qui a été maltraité à l'autre bout du monde, et cela nous affecte. La réaction du cerveau est « si j'en entends parler, c'est que ça doit être un des miens ».

Guillaume Erard : Cela, plus le processus d'empathie qui nous fait partager l'expérience de la souffrance d'autrui, souvent via rien de plus que la description. La chose surprenante est que c'est la culture qui a apporté cela, cela n'était jamais arrivé auparavant.

Ellis Amdur : Oui, la culture, la communication, le sport. Le sport est l'un des mouvements de paix les plus mésestimés, mais il rassemble des gens de cultures différentes dans une arène où ils célèbrent la même chose. Il y a très peu d'événements de ce genre.

Guillaume Erard : En outre, les règles du sport permettent aux gens d'exercer leur désir de domination et de bataille dans un environnement sûr et contrôlé.

Ellis Amdur : Oui, c'est vrai et je ne veux pas dénigrer le sport parce que le sport est essentiellement un processus alchimique qui change le fer froid de la guerre en or et en argent des médailles et des trophées, mais je pense plus à la façon dont un Pakistanais, un Jamaïcain et un Britannique peuvent partager le cricket. Au-delà des joueurs, ce sont les fans qui le font, ce qui est tout à fait remarquable. En encourageant les mêmes choses, on a souvent, l'impression de partager quelque chose. Oui, je suis bien sûr au courant des émeutes, des voyous, et de tout le reste associé avec le sport, mais l'alchimie du sport existe, et il a changé le monde et comment nous voyons ceux qui y vivent. Pour désamorcer une situation, il faut d'abord se désamorcer soi-même

Guillaume Erard : Il est assez facile pour moi de comprendre ce dont vous parlez à partir de mon point de vue calme et rationnel. Qu'en est-il de l'autre côté, lorsque le niveau de conscience de la personne est modifié, que ce soit un individu psychotique, ou quelqu'un sous l'influence de drogues, et donc moins en mesure de comprendre votre rhétorique et de percevoir les indices physiques dont vous parliez plus tôt ?

Ellis Amdur : La première chose, c'est que vous ne pouvez rien faire à moins que vous ne restiez calme. Pour désamorcer une situation, il faut d'abord se désamorcer soi-même. C'est une sorte de Kiai-jutsu silencieux ; un charisme qui force l'autre à entrer en résonance avec notre puissance tranquille. Sur un plan plus terre-à-terre, la question est de rester en dessous de 20 sur une échelle de 1 à 100. En dessous de 20, vous allez utiliser principalement votre néocortex pour résoudre les problèmes. Le néocortex opère sur le mode gagnant-gagnant. Si vous devenez excité physiquement, votre rythme cardiaque augmente, et vous essayez de faire valoir et de maintenir votre position, de prouver que l'autre personne a tord ; c'est le stade où les parties du cerveau qui mettent l'accent sur la domination et la hiérarchie prennent le relais. Une fois que je suis dans le système limbique, ma principale préoccupation est de savoir qui est dominant dans la salle.

Guillaume Erard : On passe d'un jeu à somme non nulle à un jeu à somme nulle.

Ellis Amdur : Les mammifères ne sont pas dans l'introspection. Si je suis stupide, que je suis trop bête pour réussir à communiquer ce qui est important pour moi, mon cerveau mammifère considère que soit vous m'avez appelé stupide, soit que vous m'avez rendu stupide. Pour les mammifères, on est toujours dans le « qui a fait cela à moi ? » Donc la première étape de la désescalade est de rétablir son propre calme. Soyez l'oeil de l'ouragan ; le chaos doit tourner autour de vous en fonction de votre calme, et ce, avant que vous ne disiez quoi que ce soit. Le niveau suivant d'évaluation est fait presque instantanément, c'est : « Est-il en colère, furieux, ou violent ? » S'il est violent, il faut établir l'innocuité. Imaginez : vous êtes dans la rue, vous êtes en bonne forme physique, et tout d'un coup, vous voyez des gars qui viennent vers vous avec des bâtons à la main, comment établissez-vous la sécurité ? J'espère que vous fuyez.

Maintenant, au contraire, votre femme se promène 3 mètres devant vous parce que vous regardiez une vitrine, elle est plus proche que vous de ces voyous, ils s'approchent d'elle, comment établissez-vous la sécurité ? Vous devez aller en avant parce que la sécurité est définie par : « quoi ou qui nous sommes chargés de protéger ». La sécurité ne s'arrête pas à votre propre peau, pas si vous êtes un être humain. la personne enragée, 95 – 99 sur notre échelle, est en train de démarrer la partie la plus primitive du cerveau qui contrôle le désir d'attaquer ou de s'enfuir Maintenant, allons vers le bas de l'échelle, à la colère, disons 20 à 95 sur cette échelle. La personne en colère essaie de communiquer, elle est frustrée et la communication est un échec. Elle est chargée avec de l'intimidation, de la manipulation, et toutes sortes d'autres choses. Pourtant, la personne en colère essaie tout de même de vous joindre, et si vous pouvez démontrer qu'elle a réussi grâce à la communication, les choses se diffusent. Je suis sûr que cela vous est arrivé lors d'une dispute où vous avez dit : « Attends une minute, ce que tu dis est X » et l'autre personne, s'est exclamée : « Oui ! C'est ça que je dis ! » Cela ne signifie pas que vous êtes d'accord, mais vous avez démontré que la communication est passée.

Guillaume Erard : Donc, en soulignant les parties de compréhension mutuelle, même restreintes, et même si elles sont non consensuelles, vous créez une passerelle ?

Ellis Amdur : Oui, c'est ce que l'on fait pendant les négociations lors de prises d'otages où nous essayons d'obtenir du preneur d'otage qu'il se mette d'accord sur quoi que ce soit. Avec une personne en colère, nous essayons de désamorcer en exprimant clairement que nous comprenons ce que la personne dit. Par contre, la personne enragée, 95 – 99 sur notre échelle, est en train de démarrer la partie la plus primitive du cerveau qui contrôle le désir d'attaquer ou de s'enfuir. La question qui se pose alors est : « Qu'est-ce qui l'empêche d'en résoudre à la violence ? » Quels sont les inhibiteurs qui la retiennent et dont je parlais plus tôt ? Premièrement, il y a des conséquences telles que : « Si je m'attaque à vous, vous pourriez me faire du mal », ou : « Si ma femme sait que je me suis encore battu, elle va me quitter ». Des choses négatives vont se passer pour moi si je cède à ma pulsion. Un autre inhibiteur est la morale ; en même temps que notre pulsion agressive, nous avons une envie d'aimer et d'être moral, elle est avec nous depuis la naissance. Si la morale était quelque chose qui devait être enseignée 100%, nous ne serions pas ici.

Guillaume Erard : Nous n'aurions effectivement pas été aussi loin en tant qu'espèce. D'ailleurs. la présence de cette base morale a également été très largement documentée dans le monde animal.[21]

Ellis Amdur : Oui, il y a une morale de base qui agit comme un inhibiteur. Les seules personnes qui ne disposent pas de cette base sont celles que nous classons comme sociopathes [NDR : La recherche actuelle montre que la proportion de sociopathes dans la population générale de différents pays et cultures est variable, mais à titre d'illustration, elle est estimée à 0,6%[22] au Royaume-Uni et à 3,0%[23] aux États Unis]. En plus de ce noyau moral, nous avons d'autres valeurs morales que nous acquérons au cours de la vie, des valeurs qui peuvent être soit négatives, soit positives. Nous avons donc ces inhibiteurs. Une personne enragée essaie de se désinhiber pour accomplir cet acte qu'elle désire. Un exemple se trouve dans ce qu'on pourrait appeler, la pseudospéciation : « Je ne frappe pas les êtres humains, mais tu n'es pas humain », où nous nous débarrassons d'un choix moral en classant quelqu'un dans une autre espèce. Si vous essayez de désamorcer une personne enragée, vous échouerez toujours. « Guillaume, je vois que vous voulez me décrocher la tête et repeindre les murs avec mon sang, je vous remercie d'avoir partagé cela avec nous ». Cela ne fonctionnera pas n'est-ce pas ? Il existe différents modes de rage : la rage de terreur, la rage impulsive, la rage chaotique, la rage froide, etc. Les réponses sont différentes pour chaque mode.

Guillaume Erard : Probablement pas. (rires)

Ellis Amdur : Ce que nous devons faire avec une personne enragée est d'établir un contrôle verbal et parfois physique en disant par exemple : « Asseyez-vous, nous parlerons de tout ça quand vous vous assoirez. Asseyez-vous. Asseyez-vous ! » Il existe différents modes de rage : la rage de terreur, la rage impulsive, la rage chaotique, la rage froide, etc. Les réponses sont différentes pour chaque mode. La question est : « Que faire si ça ne marche pas ? » Par définition, vous entrez alors dans le monde de la violence et vous devez faire ce qu'il faut pour en sortir. Je ne professe pas le pacifisme, je dis : « Quel est le meilleur choix pour la survie de tout le monde, et principalement la mienne. » Rappelez-vous, « moi » est toujours défini par quoi et qui vous êtes responsable de protéger, de sorte que cela peut inclure le fait de se jeter sur une grenade pour sauver les autres. Peut-être que vous fuyez, ou peut-être que vous vous battez. Une option n'est pas meilleure que l'autre, la question est quelle est la bonne solution à ce moment là et dans cette situation particulière. Le poète Gary Snyder a dit : « Ne causez pas de souffrance inutile ». Cela, pour moi, résume tout. Si un préjudice est nécessaire, faites ce que vous avez à faire.

Guillaume Erard : Comment faites-vous la différence entre la colère et la rage ?

Ellis Amdur : C'est votre corps qui vous le dit, et la façon dont il communique, c'est la peur. Avec une personne en colère, il n'est pas nécessaire d'avoir peur, il est nécessaire d'être prudent.

Guillaume Erard : Est-ce à cause du fait que du côté de la personne en colère, il y a encore une volonté de communiquer ?

Ellis Amdur : Oui, et aussi, elle n'a pas l'intention de vous faire du mal tout de suite. Elle le pourrait très prochainement, mais pas tout de suite.

Guillaume Erard : Elle a juste l'impression qu'elle n'a pas d'autre option pour communiquer que de hausser le ton ?

Ellis Amdur : C'est cela. Par contre, la personne enragée désire vous faire du mal. Voici un exemple. J'étais avec ma femme au Costa Rica, nous étions en train de lire sur le lit, et tout d'un coup, elle me dit : « Ellis, il y a une araignée ». Je pensais que l'araignée était en dehors de la moustiquaire, et que nous devions juste être prudents, la secouer, et qu'elle s'en irait. Ça, c'est la colère. Mais quand j'ai regardé, j'ai vu que cette grosse araignée était à l'intérieur, suspendue au-dessus de nous. De la façon dont la moustiquaire était faite, si nous avions essayé de sortir, l'araignée serait tombée sur l'un de nous. Avais-je eu peur ? Oui. Je ne savais pas si elle était venimeuse, mais il était assez grosse, donc je devais la tuer. L'araignée dans le filet, c'est de la rage. La peur est une sensation qui dit : « L'araignée est dans la tente ». « Impuissance », cependant, est simplement une conclusion que certaines personnes tirent quand ils sont effrayés. Ne sachant pas si l'araignée pourrait me mordre si je l'écrasais avec mes mains, j'ai pris une poignée de mouchoirs, ce qui m'a obligé à coordonner les choses très précisément, étant moi-même en équilibre sur une main au-dessus de ma femme dans une sorte de pont. Je l'ai attrapée, écrasée, et l'ai jetée. Là, je me suis tourné vers ma femme et j'ai rugis : « L'homme, le chasseur ! » (rires) Nous avons été tranquilles le reste de la nuit (rires). Quoi qu'il en soit, j'ai eu peur, mais cela n'a pas amoindri ma capacité à agir efficacement et avec force. Beaucoup de gens se méprennent sur ce genre de choses, mais c'est le but de la formation dans les arts martiaux.

Guillaume Erard : Avez-vous recours à de la ruse psychologique ? En d'autres termes, où s'arrête la stratégie de désescalade et où commence la manipulation ?

Ellis Amdur : J'utilise la ruse de façon occasionnelle. Je ne mens pas, mais je dirige ou façonne consciemment la situation, en d'autres termes je fais du Kiai-jutsu. Bien sûr, c'est un sujet difficile. Les gens parlent de l'humilité du bushi mais que pensez-vous de l'arrogance du bushi ? Je parle de l'attitude d'être prêt à en assumer les conséquences inhérentes à tout acte potentiellement risqué. Parfois, j'ai été profondément manipulateur pour ce que je considère être un objectif moral. Pour être dramatique, on risque ainsi son âme, mais je vois trop de gens qui font en sorte de rester dans les limites, et si elles ne sont pas prêtes à opérer ailleurs que dans la sécurité des règles, quand il sera nécessaire d'en sortir, elles ne seront pas là. Évidemment, en dehors des règles, on peut tomber, mais tout ce que cela signifie, c'est qu'il faut s’entraîner suffisamment aux ukemi.

Guillaume Erard : Je comprends mieux comment vous pouvez aider les gens à travers ce que vous faites professionnellement en thérapie, en entretien, ou en conférence, mais plus nous parlons, plus j'ai du mal à comprendre ce que les arts martiaux peuvent amener sur la table, en particulier l'Aikido, qui souvent se vend lui-même sur cette base de résolution pacifique des conflits. Comparé aux psychologues professionnels dont vous faites partie, je trouve l'Aikido en tant qu'art, et par extension la plupart des instructeurs, mal adaptés pour cela.

Ellis Amdur : C'est une question difficile. Mais tout d'abord, je ne prêche pas la psychologie sur un tapis d'aikido. Je ne cherche pas à donner des leçons de morale. Je ne fais rien de thérapeutique sur ce tapis. Le fait juste d'y penser me donne la nausée. N'avez-vous jamais été à un cours d'Aikido où l'enseignant a commencé à converser sur ces sujets et où vous avez pensé : « Quel gâchis, d'un bel après-midi ? »

Guillaume Erard : Oh que oui ! Dès qu'ils abordent la psychologie, les sciences ou la médecine, des sujets sur lesquels ils ne sont souvent pas qualifiés, je dois avouer que ma patience se limite rapidement ! (rires)

Ellis Amdur : Plus que cela, il me semble que l'étudiant doit lui-même s'éduquer sur ces sujets s'ils le préoccupent. Ensuite, il peut utiliser le keiko pour améliorer ou perfectionner ces expériences. On peut utiliser n'importe quel art martial pour sa propre éducation, par opposition à un art martial en tant qu'éducation.

Guillaume Erard : Cela nous ramène à ce que vous disiez à propos des koryu, des disciplines qui vous mettent dans une telle situation que vous grandissez en tant qu'individu, mais sans avoir de programme éducatif, en tant que tel.

Ellis Amdur : Je peux utiliser tout ce matériel et devenir un assassin, un sociopathe manipulateur, ou pour devenir mieux éduqué.

Guillaume Erard : Comme vous l'avez dit vous-même, si vous commencez l'Aikido et que vous êtes quelqu'un de mauvais, vous resterez mauvais.[11] Les gens pensent qu'en Aikido, tout est amour et paix, et que l'Aikido va les changer, mais je ne vois pas cela se produire, il n'y a qu'à voir le triste exemple que donnent nos hauts gradés. La question n'est pas de savoir jusqu'où vous allez, mais ce que vous ramenez

Ellis Amdur : Une bonne illustration est de prendre des contemporains du Kobukan comme Shirata Rinjiro et Shioda Gozo. Ils étaient là en même temps et ils ont obtenu la même éducation. Shioda Sensei était physiquement brillant, mais d'après ce que j'ai entendu de quelques deshi, c'était l'une des personnes les plus étroites d'esprit de la planète. Chaque soir, après la pratique, les cinq mêmes vieux amis d'école primaire lui rendaient visite, buvaient du whisky, et racontaient les mêmes histoires encore et encore. Shioda Sensei blessait vraiment les gens, une commotion cérébrale était pour lui comme une plaisanterie. Shirata Sensei était dur quand il était jeune, mais il est devenu un homme magnifique. Ils ont eu la même éducation, mais des résultats différents. La question n'est pas de savoir jusqu'où vous allez, mais ce que vous ramenez. Dans les arts martiaux, vous pouvez accentuer ce que vous êtes, ou si vous êtes consciemment en train de dire que vous voulez apprendre quelque chose, vous pouvez changer.

Guillaume Erard : Cela me rappelle un E-mail que j'ai reçu il y a quelque temps. Cette personne attendait que sa femme amène la voiture après un dîner au restaurant et soudain, un groupe d'hommes venu de nulle part a commencé à l'agresser. Il a dit qu'il s'inquiétait du fait qu'ils soient toujours là quand sa femme reviendrait, et donc il n'a pas riposté. Cet homme travaille dans un hôpital, il soigne les autres toute la journée. Il m'a envoyé cet E-mail parce qu'il disait avoir « perdu », qui il était, il voulait « revenir à ce qu'il était ». Il avait lu le livre de Saotome Sensei et me demandait si l'Aikido pourrait l'aider, pas pour apprendre à se battre, mais pour changer. Le gars s'est soucié de la sécurité de sa femme, il a refusé violence, il soigne des gens chaque jour de sa vie ; qu'est-ce peut bien se passer dans la tête de cet homme éminemment bon pour penser qu'il devait changer quoi que ce soit dans sa personnalité ? Pour moi, beaucoup d'enseignants d'Aikido feraient bien d'être un peu plus comme lui !

Ellis Amdur : Je ne sais pas. L'histoire, comme vous la dites, est merveilleuse. Mais pour la généraliser en tant que métaphore de la bonne réponse, s'il avait pu vaincre ces types, quel aurait été le mal à cela ? S'il avait pu casser leurs coudes et leurs genoux, les laissant incapables d'attaquer d'autres gens de la même façon, peut-être que ce serait une merveilleuse contribution au monde. (Rires) Ueshiba Morihei a déclaré : « Je suis au-delà du bien et du mal, les questions morales ne m'intéressent pas » J'ai rencontré un seul vrai pacifiste dans ma vie, un homme charmant qui avait été systématiquement torturé par son propre père. Il a juré qu'il ne ferait rien qui ressemble à ce que son père lui a fait. Une fois, il est intervenu pour aider quelqu'un qui était attaqué dans le métro parisien, et le voyou l'a frappé au visage. Il lui a fait face. Le voyou a frappé à nouveau. Il le regardait profondément dans les yeux. Le voyou criait, « Bats-toi ! Bats-toi ! » et l'a frappé à nouveau. Mon ami l'a juste regardé. Au bout d'un moment, le voyou a éclaté en sanglots et s'est enfui. C'est une histoire à couper le souffle, mais si ça avait été un autre genre de voyou, et qu'il lui avait tranché la gorge ? Mon ami acceptait cette éventualité ; moi je ne le peux pas. En ce qui concerne l'aikido, si vous voulez utiliser l'aikido pour résoudre un problème, quelle idéologie allez-vous utiliser ? Ueshiba Morihei a déclaré : « Je suis au-delà du bien et du mal, les questions morales ne m'intéressent pas ». Il ne jetait pas dehors les gens comme Murashige Aritoshi, qui selon certaines sources coupait la tête des gens en Chine pour tester son katana. Il ne rejetait personne.

Sans nommer personne, je connais un Shihan qui a cassé le bras d'un enfant devant Ueshiba. Ueshiba l'a appelé dans le bureau et le gars est sorti tout secoué, mais il n'a jamais changé son comportement. D'un autre côté, Ueshiba a attiré vers lui Okumura Shigenobu, Tomiki Kenji, et Ohba Hideo, des hommes magnifiques, que n'importe qui ferait bien d'imiter. Et vraiment, de quel côté de la ligne du bien et du mal est-ce que Ueshiba tombait ? Pendant les années 1930, comme je l'ai écrit de façon impressionniste, et comme l'a étudié en détails Peter Goldsbury, Ueshiba était un partisan des terroristes et des assassins politiques. D'un autre côté, ce que Terry Dobson m'a dit, c'est que Ueshiba a tiré beaucoup de gens de la rue et les a occupés afin qu'ils ne fassent pas pire. Cette idée que l'Aikido est amour et tout ça... Je pense qu'il est assez clair que Ueshiba se voyait comme un avatar unifiant le ciel et la terre, et l'amour dont il parlait était dans la même veine. Je viens de lire sur le site de Stanley Pranin une interview de Ueshiba Morihei avec un journaliste de droite odieux datant 1956[24]. Le type le provoquait de façon très namaiki ». J'ai été très intéressé parce que Ueshiba répondait de façon très ironique, disant des choses du genre : « Oh oui, j'aime la démocratie, l'empereur est un grand démocrate ». Jusqu'au jour de sa mort, Ueshiba était un cultiste d'extrême droite. Pourtant, il y a des gens qui ont étudié avec lui et qui témoignent que leur vie a été changée.

Guillaume Erard : Le pire pour moi, c'est que les gens sympathiques sont plus susceptibles d'être attirés par l'Aikido que par un autre sport à cause de sa réputation pacifiste, et donc cela entraîne une distorsion de la perception que nous avons de la proportion de gens bons que l'Aikido crée, par opposition à la proportion de gens bons qui viennent là en premier lieu. Si nous calculions le ratio des deux, il serait probablement plus proche de 1 que nous le pensons. Le budo n'est pas un travail social

Ellis Amdur : Chaque art martial a sa propre personnalité, c'est un amalgame de l'enseignant et de l'art lui-même. Les gens peuvent facilement être égarés, escroqués ou manipulés. D'un autre côté, j'ai été une fois à une démonstration avec mon instructeur d'Araki-ryu et j'ai été indigné par certaines démonstrations de koryu semi-frauduleuses, mais mon professeur m'a dit : « Les gens trouvent l'enseignant qu'ils cherchent ».

Guillaume Erard : Avez-vous une limite par rapport à ce que les gens doivent attendre de vos cours ?

Ellis Amdur : Ça dépend de quel cours. En ce qui concerne l'Araki-ryu et le Tenshin Buko-ryu, je suis sélectif. Je dois avoir envie d'enseigner à cette personne pendant environ une décennie. Mes élèves aux États-Unis viennent à la maison et s'asseyent dans ma cuisine pour boire le thé. Si je ne veux pas d'eux régulièrement dans ma maison, je ne veux pas leur enseigner. Si tout simplement, ils sont physiquement incapables d'apprendre l'art, ou qu'à cause de leur propre personnalité, ils ne font pas de progrès, je demande simplement qu'ils partent. Le budo n'est pas un travail social.

Guillaume Erard : Vous avez dit quelque part que les arts martiaux doivent cultiver la force du groupe.

Ellis Amdur : Oui. Vous pourriez me demander : « Ellis, je voudrais faire de l'Araki-ryu avec vous ». Vous semblez être un type bien, nous avons une bonne conversation, mais disons que je sais que vous êtes susceptible d'avoir des frictions qui seraient contre-productives avec certains membres de mon groupe, des gens qui sont déjà de la famille pour moi et pour les autres. Je pourrais vous refuser même si vous êtes un type bien. Pourtant, si je voulais vraiment travailler avec vous, je pourrais vous dire : « Allons vous et moi travailler ailleurs ». Le ryu est plus grand que le dojo, et si je vois quelque chose en quelqu'un qui exige que je leur enseigne, je vais trouver un moyen.

Guillaume Erard : Cela semble contraire à ce que Ueshiba faisait. Se trompait-il ?

Ellis Amdur : Cela dépend de la période dont vous parlez. Dans sa jeunesse, c'est exactement comme cela qu'il enseignait. Mais en termes du développement de l'aikido comme une « grande tente », je pense que c'est merveilleux. Évidemment, cela a créé toutes sortes de problèmes, et l'art obtenu est édulcoré, mais l'aikido a eu un effet profond sur la société, si ce n'est qu'en tant que métaphore, bien plus que s'il avait gardé un caractère exclusif et sectaire. Les gens utilisent la métaphore incarnée de la résolution des conflits, telle qu'elle est édictée dans l'aikido « moderne », de toutes sortes de façons productives. Donc, pour revenir à votre question, Ueshiba ne se trompait pas. Il a enseigné l'aikido et c'est ce que c'est. Pour aller plus loin dans le raisonement, le Daito-ryu et l'Aikido sont-ils vraiment si différents ? Ils ne peuvent pas l'être, car Takuma Hisa définissait souvent ce qu'il faisait comme de l'aikido, n'est-ce pas ?[25] Imaginons pour l'exemple que ce que beaucoup affirment, à savoir que le Daito-ryu est un art martial beaucoup plus puissant que l'Aikido soit vrai, lequel a eu l'effet le plus important sur le monde ? Beaucoup prétendent que Sagawa Yukiyoshi était l'élève le plus puissant et le plus habile de Takeda Sokaku. Pourtant, il était simplement un très gros poisson dans un tout petit étang, avec seulement quelques élèves qui se considéraient comme une élite. Dans votre comparaison de mon point de vue par rapport à celui d'Ueshiba, je cours le même risque. J'ai peut-être l'impression de donner une formation martiale intègre, mais celle-ci affecte très peu de gens, comme un grand musicien qui ne joue jamais. Donc, je ne critique certainement pas Ueshiba et ses successeurs pour leur politique de porte ouverte.

Guillaume Erard : Merci beaucoup Ellis pour cette discussion fantastique. Voulez-vous ajouter quelque chose pour conclure ?

Ellis Amdur : Une conclusion pour finir de façon élégante ?

Guillaume Erard : Oui, si possible (rires) !

Ellis Amdur : Je ne peux que penser au poète Robert Bly qui a décrit ses longs week-ends avec W.S. Merwin, où ils se lisaient les uns les autres leurs derniers poèmes, et coupaient impitoyablement les dernières lignes de l'autre. À bientôt.

Références :

  1. Amdur, Ellis - The Thin Blue Lifeline: Verbal De-escalation of Mentally Ill and Emotionally Disturbed People - A Comprehensive Guidebook for Law Enforcement Officers - A Comprehensive Guidebook for Law Enforcement Officers. Edgework: Crisis Intervention Resources PLLC; 1st edition (2011) Format : Poche 302 pages Langue: Anglaise ISBN-10: 0982376286
  2. Amdur, Ellis - Safe Behind Bars: Communication, Control, and De-escalation of Mentally Ill and Aggressive Inmates. Edgework Books; 1ST edition (2013) Format : Poche 338 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0982376294
  3. Amdur, Ellis - From Chaos to Compliance: A comprehensive Guidebook for Parole and Probation Officers. Edgework: Crisis Intervention Resources PLLC; 1ST edition (2011) Format : Poche 308 pages Langue: Anglais ISBN-10: 098237626X
  4. Amdur, Ellis - Guarding the Gates: Calming, Control and de-escalation of Mentally Ill, Emotionally Disturbed and Aggressive Individuals - A Comprehensive Guidebook for Security Guards. Edgework: Crisis Intervention Resources PLLC (2011). Format : Poche 176 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0982376251
  5. Amdur, Ellis - Grace Under Fire: Skills to Calm and De-escalate Aggressive and Mentally Ill Individuals (for Professionals in Outpatient Settings). Edgework Books (January 1, 2011). Format : Poche 343 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0982376227
  6. Amdur, Ellis - Safe Haven: Skills to Calm and De-escalate Aggressive and Mentally Ill Individuals (for Professionals in Inpatient Settings). Edgework Books (January 1, 2011). Format : Poche: 323 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0982376219
  7. Amdur, Ellis - Everything on the Line: Calming & De-escalation of Aggressive & Mentally Ill Individuals on the Phone - A Comprehensive Guidebook for Emergency Dispatch (9-1-1) Centers. Edgework: Crisis Intervention Resources PLLC (2011). Format : Poche 217 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0982376243
  8. Amdur, Ellis - The Thin Blue Lifeline: Verbal De-escalation of Mentally Ill and Emotionally Disturbed People - A Comprehensive Guidebook for Law Enforcement Officers. Edgework: Crisis Intervention Resources PLLC (2011). Format : Poche 302 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0982376286
  9. Erard, Guillaume - Non, la violence n'est pas en augmentation, alors que cherchez-vous dans l'Aikido ? GuillaumeErard.com (Décembre 5, 2012)
  10. Eagleman, David - Incognito: The Secret Lives of the Brain. Vintage; Reprint edition (May 15, 2012). Langue: Anglais Format : Poche 304 pages ISBN-10: 0307389928
  11. Erard, Guillaume - Interview avec Ellis Amdur : L'essence des koryu et de leur transmission. GuillaumeErard.com (Mai 2013).
  12. Nesse, Randolph et Williams, George - Evolution and the Origins of Disease
  13. Dawkins, Richard - Interview avec Randolph Nesse. YouTube.com
  14. Profil de Paul Ekman sur le site du the Paul Ekman Group
  15. Profil de John Gottman sur le site du Gottman Relationship Institute
  16. Pinker, Steven - The surprising decline in violence. TED Talk
  17. Amdur, Ellis - Traditions martiales : Origine et transmission du savoir dans les écoles d'escrime japonaise. Budo Editions (1 mai 2006). Broché: 269 pages. Langue : Français. ISBN-10: 2846171084
  18. Daizen Victoria, Brian - Zen at War. Rowman & Littlefield Publishers (June 22, 2006). Format : Poche: 304 pages Langue: Anglais ISBN-10: 0742539261
  19. Levinas, Emmanuel - Autrement qu'être ou Au-delà de l'essence. Le Livre de Poche (2004). Format : Poche: 288 pages Langue : Français ISBN-10: 225305352X
  20. Keeley, Lawrence - War Before Civilization: The Myth of the Peaceful Savage. Oxford University Press, USA (December 18, 1997) Langue: Anglais ISBN-10: 0195119126
  21. Bekoff, Marc and Pierce, Jessica - Wild Justice: The Moral Lives of Animals. University Of Chicago Press (May 1, 2010). Paperback: 208 pages. Lange: Anglais. ISBN-10: 0226041638
  22. Coid, Jeremy et al. - Prevalence and correlates of psychopathic traits in the household population of Great Britain. International Journal of Law and Psychiatry Volume 32, Issue 2, March–April 2009, Pages 65–73
  23. American Psychiatric Association - Diagnostic and Statistical Manual of Mental Disorders. American Psychiatric Publishing, Inc. (June 2000) Langue : Anglais ISBN-10: 0890420246
  24. Shukan Yomiuri - Interview with Ueshiba Morihei. (1956) Aikido Journal
  25. Erard, Guillaume et Gaurin, Olivier - Interview avec Kobayashi Kiyohiro. GuillaumeErard.com

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À-Propos

Guillaume Erard est titulaire du titre de Shihan 6e Dan en Aïkido (Hombu Dojo de l’Aïkikaï, Tokyo) et du titre de Kyōshi 5e Dan en Daïto-ryu Aiki-jujutsu (Hombu Dojo de Shikoku). Résident permanent au Japon, il dirige un dojo d’Aïkido à Yokohama et anime régulièrement des stages internationaux. Il est docteur en biologie moléculaire et titulaire d’un Master 2 en sciences de l’éducation. Ses recherches portent notamment sur les dimensions pédagogiques et historiques de la transmission des arts martiaux japonais. Il a publié de nombreux articles dans des revues spécialisées en France et au Japon, et a collaboré à la rédaction du dernier ouvrage de Christian Tissier.

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