Beaucoup d'entre nous aikidoka aimons en apprendre plus sur la vie des différents pionniers de notre art. Que ce soit au sujet des disciples japonais d'Ueshiba Morihei qui sont partis dans le but de développer l’aïkido hors du Japon, ou bien des premiers Occidentaux qui ont tout abandonné pour aller à la rencontre du fondateur, les histoires riches et hautes en couleurs ne manquent pas. Pourtant, certains d'entres eux, qui même s'ils ont eu un parcours au moins aussi riche, sont restés dans l'ombre. L'une de ces personnes est Virginia Mayhew, qui fut l'une des premières pratiquantes d’aïkido américaine et une élève directe de Ueshiba Morihei. Bien que son nom soit parfois mentionné par des instructeurs mieux connus qu'elle, peu d'informations sont disponibles sur sa vie. Aujourd'hui, j'aimerais revenir sur son parcours incroyable et mettre en lumière son influence sur le développement de notre art.
Jeunesse
Virginia Bailey (surnommée « Ginger ») est née le 21 septembre 1928 à New York. Elle est le troisième enfant de Charles Bailey et Ida Mayhew, tous deux professeurs de musique. La vie va rapidement lui apporter son lot de peines puisque son père quitte la maison familiale à la fin des années 1930, que son frère est institutionnalisé en raison de la tuberculose et que sa sœur Frannie meurt d'une pneumonie en 1938. En plus de tout cela, Virginia est frappée par la foudre l'hiver précédent, ce qui lui causera des problèmes d’arythmie cardiaque.
En 1942, une campagne médiatique est lancée pour encourager les femmes blanches des classes moyennes et supérieures à entrer sur le marché du travail pour compenser le manque d'hommes partis à la guerre. Virginia abandonne ses études secondaires à 14 ans et commence à travailler pour un entrepreneur à Fairhaven dans le Massachusetts. Ce dernier utilise une photo d'elle alors qu'elle peint une maison pour faire la publicité de son entreprise.
Virginia Mayhew sur la publicité préparée par Richard Denesha pour faire la publicité de son entreprise (1943).
La photo est remarquée et Virginia est embauchée par le célèbre créateur de costumes Gilbert Adrian pour devenir l’égérie de sa campagne publicitaire pour la ligne de parfum « Saint and Sinner », publiée dans les magazines Vogue et Town and Country de 1944 à 1946. Elle poursuit sa nouvelle carrière de mannequin et devient le visage de la ligne de parfums « Breathless… Fabulous » de Charbert.
Virginia Mayhew sur les publicités des lignes de parfums « Saint and Sinner » et « Breathless… Fabulous ».
Virginia déménage à Greenwich Village, à New York, où elle joue de la guitare et interprète des chansons dans diverses boîtes de nuit locales. Là, à 17 ans, elle rencontre Haldon Chase, un archéologue de renom et l'un des premiers membres de la Beat Generation. Chase la présente à ses amis dans son cercle littéraire et sa personnalité extravertie et spontanée y font une forte impression. Avec la fin de la guerre, la famille de Virginia fait pression sur elle pour qu'elle abandonne sa carrière de mannequin et de chanteuse afin de se marier. Elle et Chase échangent leurs vœux en 1945 après qu'il ait obtenu son diplôme de l’Université de Columbia et le couple déménage dans la maison de sa famille à Denver, au Colorado.
Haldon Chase et Virginia Mayhew sur un site archéologique dans le sud-est du Colorado, 1949
Virginia prend une part active au travail de terrain de Chase et elle le suit quand il part étudier la langue zapotèque au Mexique. N’étant pas le genre de personne à rester inactive, elle passe beaucoup de temps à apprendre des chansons folkloriques mexicaines, mais la volonté de Chase qu'elle se concentre sur les tâches ménagères se heurte à la farouche indépendance de Virginia, et ils divorcent en 1951. À son retour à New York, elle commence à chanter au Village Vanguard, mais ressentant le besoin d'un nouveau départ, elle change son nom professionnel de Ginger Bailey en Ginny Mayhew vers 1953 et passe environ deux ans dans les Caraïbes à interpréter des chansons dans des boîtes de nuit en Haïti, Saint Domingue et sur les Îles Vierges des États-Unis.
Publicités de 1953 annonçant l'une des performances de Mayhew aux Îles Vierges des États-Unis
Les débuts en budo
De retour à New York, Virginia découvre le budo japonais à travers le judo, qu'elle étudie pendant cinq ans auprès de George Yoshida du « New York Dojo ». Là, elle rencontre Eddie Hagihara, un pratiquant de judo de 2e dan et les deux se marient peu après.
Virginia Mayhew et Fuji Kenichi (3e dan) - Rockaway Beach, 12 septembre 1960
Virginia obtient son shodan après environ cinq ans de pratique, mais elle est de plus en plus déçue par la pratique du judo en raison du fait qu'elle se concentre trop sur les aspects sportifs plutôt que sur les principes spirituels. Le développement spirituel sera en effet une recherche continue tout au long de sa vie et quand elle entend dire que l'aïkido est un art martial axé sur l'amour, la compassion et la coopération, elle décide d'en apprendre plus à ce sujet. Elle et Hagihara commencent à étudier l'aïkido en 1962 avec Ohara Yasuo (小原 裕雄). Ohara est nidan et il enseigne de manière informelle à l'Université de New York depuis 1961.
Fondation du New York Aikikai
Eddie Hagihara, Virginia Mayhew, Barry Bernstein, Fred Krase, Ralph Glanstein et quelques autres aident Ohara à créer le New York Aikikai en 1962 au 25 West 19th Street. La pratique marche bien et pas mal d'élèves commencent à rejoindre le groupe. Des pratiquants avancés visitent également le dojo.
Meyer Goo d’Hawaï projette Eddie Hagihara au New York Aikikai. Derrière eux se trouve la liste des promotions de l'Aikikai de New York datée de septembre 1962. Barry Bernstein et Eddie Hagihara sont répertoriés comme shodan et Virginia Mayhew, Ralph Glanstein et Fred Crase (sic) comme sankyu.
Désormais shodan en aïkido et voulant en savoir plus sur le fondateur de l'art, Virginia se rend au Japon pour la première fois au printemps 1963. Elle passe environ un an à s'entraîner à l'ancien Aikikai Honbu Dojo et elle a l'occasion de rencontrer et prendre l'ukemi d'Ueshiba Morihei. Comme tant d'autres avant elle, elle est littéralement subjuguée par le vieux maître.
O Sensei s'amusait. Il était naturel. Tout ce qu'il voulait dire ce jour-là, il le disait. Il pouvait tout aussi bien rire ou sourire que grogner ou crier, mais il prenait du plaisir à chaque instant. Virginia MayhewPerry, Susan - Entretien avec Virginia Mayhew - Aikido Today Magazine
O Sensei lui aurait dit que parce qu'elle était une femme, elle comprendrait que la vraie force et la puissance viennent de l'intérieur. Étant une femme farouchement indépendante, elle semble très bien s'accommoder des manières plutôt informelles d'O Sensei, par rapport à celles des autres japonais.
Je n'ai jamais vu de différence entre la façon dont O Sensei traitait les femmes et la façon dont il traitait les hommes. Virginia MayhewIbid., Perry, Susan
Mayhew rapporte plus tard qu'elle était habituée à chuter grâce à son expérience de judo et que, par conséquent, elle savait toujours comment et pourquoi elle se retrouvait sur le sol, mais quand O Sensei l'a projetée pour la première fois, elle a été incapable de comprendre exactement comment c’était arrivé. Elle en conclut qu'O Sensei devait avoir une force d'esprit qui allait au-delà de ses mouvements physiques.
Un jour, O Sensei m'a immobilisée sans contact physique direct avec moi […] La force était cachée derrière le physique. Virginia MayhewIbid., Perry, Susan
Un compte-rendu de son séjour à Tokyo est publié dans le numéro Aikido Shinbun (合気道新聞) du 10 juin 1963. J'y ai ajouté une traduction en français ci-dessous.
Aïkido Shinbun, 10 juin 1963
La fondatrice de l'Aïkikaï de New York
Virginia Mayhew est arrivée au Japon par avion le 15 mai. Elle loge à Kikyokaku près du Honbu Dojo de l’aïkido et pratique l’aïkido avec enthousiasme.
Virginia a créé le New York Aïkikaï à New York l'été dernier, et elle travaille dur pour développer l'Aïkikaï en collaboration avec un ancien étudiant de l'Université Keïo, M. Ohara Yasuo en tant qu'instructeur.
Les cours à l'Aïkikaï de New York sont divisés en deux classes, un cours avancé d'une heure et demie à partir de 18h00 et un cours pour débutants d'une heure et demie à partir de 20h00, tous les jours du lundi au vendredi.
En outre, le comité des affaires générales du Honbu Dojo de l’aïkido a organisé une fête de bienvenue pour Virginia après la clôture de la réunion le 21 mai, qui a duré environ une heure et demie en présence du personnel du Hombu Dojo.
La photo montre Virginia travaillant dur au siège de l'Aikido. Le uke est M. Arakawa.
Comme beaucoup d'étrangers au Honbu Dojo, elle est aussi particulièrement inspirée par Tohei Koichi, qui a introduit l'aïkido aux États-Unis et qui est l'un des rares instructeurs à maîtriser l'anglais. Un autre instructeur capable de communiquer en anglais est Yamada Yoshimitsu, qui dira ensuite d'elle :
A cette époque, tout l'aïkido en dehors du Japon était contrôlé par Tohei Sensei. Ainsi, lorsque cette femme appelée Virginia Mayhew est venue au Japon, ma famille et moi avons pris soin d'elle personnellement et nous sommes devenus amis. Yamada YoshimitsuPranin, Stanley - Interview with Yoshimitsu Yamada
Promotion de l’aïkido
Une fois retournée aux Etats Unis, elle continue la pratique au dojo qu'elle a fondé. Les membres de l'Aïkikaï de New York participent à une démonstration au siège des Nations Unies. Étant tellement influencée par Tohei, Virginia a l'intention de montrer certains de ses exercices de ki, y compris le bras impliable. Cependant, réalisant qu'elle sera devant un public de New-Yorkais sceptiques, elle augmente les enjeux et applique l'exercice de bras impliable à l'ensemble son corps, et elle demande a deux hommes costauds de s'asseoir sur elle.
Virginia Mahew montrant les exercices de ki de Tohei Koichi lors d’une démonstration au siège des Nations Unies. Ohara est debout à droite.
Quand Ohara retourne au Japon en 1963, Virginia prend le rôle de directrice du New York Aïkikaï, poste qu'elle occupe pendant plus de deux ans, jusqu'à l'arrivée de Yamada Yoshimitsu en février 1964. Bien que le dojo connaisse de plus en plus de succès, Virginia dois prendre des emplois secondaires pour payer le loyer. Elle fait également beaucoup d'efforts pour susciter l'intérêt autour de l'aïkido. Elle et ses camarades font des démonstrations d'aïkido à la télévision à plusieurs reprises, notamment lors du Tonight Show avec Johnny Carson en 1962. À cette occasion particulière, elle prévoit de montrer comment l'aïkido peut être utile aux femmes afin de démontrer comment elles peuvent appliquer des techniques d'aïkido pour contrôler un mâle un peu trop entreprenant. Elle réussi également à faire parler de l'aïkido dans plusieurs articles de journaux et elle joue un rôle déterminant dans l'organisation de la participation de l'aïkido à l'Exposition Universelle de New York du 11 au 17 mai 1964.
Afin de se préparer pleinement à cet événement et de coordonner l'envoi à New York de Yamada Yoshimitsu, elle effectue un autre court séjour à Tokyo en février 1964. Un article à ce sujet est publié dans le numéro d'avril 1964 de la version anglaise du Journal de l’Aïkido.
Article de Virginia Mayhew dans le numéro 2 du Journal de l’Aïkido d'Avril 1964.
Virginia et Yamada Yoshimitsu reviennent à New York en février 1964. Hagihara, qui était au Japon depuis juin 1963, retourne à New York fin avril 1964 et il ouvre son propre dojo, le Long Island Aïkikaï, la même année avec l'aide de Virginia qui est celle qui a trouvé l'endroit et obtient l'autorisation de Tohei Koichi pour ouvrir le dojo.
Puis, en 1964, je suis venu à New York pour l’exposition universelle. Le plan était pour moi d'aller avec Tohei Sensei au pavillon japonais et de faire une démonstration. Mais il n'a pas pu faire ce voyage. Alors je suis venu seul. […] J'ai rencontré mes amis à New York et je suis allé au New York Aïkikaï. J'ai parlé aux membres et je suis devenu instructeur en chef. Yamada YoshimitsuAikido Today Magazine Volume 18, Jan/Feb 2004
La démonstration d'aïkido de l'Exposition Universelle a lieu au pavillon japonais à Flushing Meadows dans le Queens à New York. Une vidéo est tournée et on peut y apercevoir Virginia en bas à droite du cadre, alors qu'elle commente au micro pendant les démonstrations.
Démonstration à l'Exposition Universelle de 1964
Retour au Japon
Désormais libérée de la responsabilité de diriger le dojo, et récemment séparée de Hagihara, Virginia retourne au Japon dans le but d'étudier l'aïkido en tant qu’élève à plein temps au Honbu Dojo. En chemin, elle s'arrête à Hawaï pendant trois semaines durant l'hiver 1964. Elle a la chance de s'y entraîner avec un certain nombre d'instructeurs locaux, ainsi que Tohei Koichi.
Meyer Goo, Virginia Mayhew, Yukiso Yamamoto, Henry Horii et Sadao Yoshioka pratiquant le misogi à Hawaï.
Elle raconte son expérience dans la version anglaise du Journal de l’Aïkido publié par l'Aïkikaï.
Virginia Mayhew donne un compte-rendu de son séjour à Hawaï dans le numéro de juin 1965 de l’Aïkido Shinbun
Une fois à Tokyo en décembre 1964, elle fait la connaissance de Henry Kono, un Canadien d'origine japonaise qui s'est retrouvé par hasard au Honbu Dojo à partir d'octobre 1964. Les deux forgent une amitié étroite qui durerait toute leur vie. Ayant tous les deux dans la trentaine bien tassée, ils partagent un intérêt particulier pour les principes fondamentaux qui sont derrière les mouvements d'aïkido plutôt que pour le côté physique, contrairement à beaucoup des autres jeunes élèves. Toujours à la poursuite de croissance spirituelle, Virginia s'adonne également régulièrement à la méditation zen.
Tohei Koichi enseignant Virginia Mayhew. Au fond à droite se trouve Henry Kono.
En 1966, les deux amis renouent avec Alan Ruddock, un Irlandais revenu au Japon après un bref premier séjour en 1965. Son objectif est aussi spécifiquement d'apprendre l'aïkido auprès du fondateur. Ils forment un groupe d'étrangers soudé avec Kenneth Cottier, Terry Dobson, Joanne Shimamoto, George Willard et quelques autres.
O Sensei enseignant au Hombu Dojo. Ruddock est le deuxième à partir de la droite.
Bien qu'elle ne puisse pas être une uchi deshi officielle en raison du fait qu'elle est une femme, elle a un accès sans précédent à O Sensei puisqu'elle aide sa famille en cuisinant et en faisant le ménage pour lui.
Une parenthèse sur les grades
J'ai regardé dans les archives des publications de l'Aïkikaï afin de trouver les informations sur les grades décernés aux personnes citées ici. J'y ai trouvé les noms de Barry Bernstein et d'Eddie Hagihara parmi les nouveau promus shodan, sous l'en-tête « New York Aïkikaï » dans le numéro du 10 décembre 1962 de l’Aïkido Shinbun. Dans le même numéro, d'autres membres de New York Aïkikaï sont répertoriés comme Goe Anelrod (3e kyu), Manvel Gilyard (4e kyu) et Christopher Oliana (5e kyu). Les noms de Bernstein et de Hagihara se trouvent également dans le numéro du 10 août 1965 parmi les promus au nidan , tandis que Fred Crase est répertorié comme shodan. Malheureusement, je n’ai trouvé aucune trace du shodan de Virginia Mayhew. Un petit nombre de numéros manque au dossier et il est possible que son nom ait figuré dans ceux ci. J'ai cependant réussi à retrouver son nom dans le numéro du 10 septembre 1966, où elle est répertoriée comme nidan du Hombu Dojo. Dans le même numéro, George Willard est répertorié comme shodan.
Numéro de l'Aïkikaï Shinbun du 10 septembre 1966. Virginia Mayhew (バージニア・メイヒュー) est répertoriée comme nidan du Hombu Dojo.
La photo de son véritable certificat de nidan m'a été envoyée plus tard par sa fille, Dr Shankari Patel. Il est daté du 3 octobre 1966 et porte le sceau d'Ueshiba Morihei.
Certificat de deuxième dan de Viginia Mayhew daté du 3 octobre 1966 et portant le sceau d’O Sensei.
Pour comprendre un peu mieux le contexte, j'ai continué à chercher dans les archives et j'ai constaté que Terry Dobson est répertorié comme shodan en mars 1963, Henry Kono en juillet 1965, Ken Cottier en décembre 1965 et Alan Ruddock en octobre 1967. En termes d'ancienneté, Virginia aurait donc été à égalité avec Terry Dobson.
Virginia était une amie proche, elle me donnait des cours de guitare. Kenneth CottierBurlingham, Frank. Frank! Aikido Chats. p.44
Une autre entrée qui a attiré mon attention est le rapport sur le shochu geiko, l'entraînement d'été qui s'est déroulé du lundi 25 juillet au mercredi 3 août 1966. L'article liste les noms des 113 personnes qui ont pratiqué tous les jours pendant ces dix jours consécutifs au plus fort de la chaleur estivale. La tradition se perpétue encore aujourd'hui.
Numéro d'août 1966 montrant la liste des étudiants qui ont eu une assiduité parfaite pendant le shochu geiko.
Implantation de l’aïkido à Hong Kong
Pendant la période qu'elle passe à Tokyo, Virginia fait la connaissance d'une hongkongaise et le courant passe si bien entre les deux que cette dernière l'invite à Hong Kong pour devenir son enseignante d’aïkido. Au lieu de rester cinq ans au Japon comme elle l'avait initialement prévu, Virginia n'y reste donc que deux avant de déménager à Hong Kong en 1966 à la demande de son amie. Elle reçoit la permission d'O Sensei d'ouvrir un dojo et avant de partir, il lui offre une calligraphie afin qu'elle puisse l'afficher dans son dojo. Elle arrive à Hong Kong un mardi. Sans perdre de temps, elle organise une démonstration le vendredi suivant au YMCA de Kowloon et commence à donner des cours dès le lundi suivant.
Virginia Mayhew posant devant le Hong Kong Aïkikaï
L'année suivante, elle obtient un endroit plus permanent à Tsim Sha Tsui, Kowloon et y crée le Hong Kong Aïkikaï. Elle enseigne également dans un certain nombre d'autres endroits, y compris d'autres YMCA, à l'aéroport de Hong Kong, dans une salle de danse et dans des écoles locales, dont l'Ecole St. Francis pour garçons. Elle a près de 300 élèves au total au plus fort de son séjour à Hong Kong.
[Seigo Yamaguchi Sensei] avait amené l'aïkido en Birmanie et il respectait beaucoup Virginia Mayhew qui enseignait l'aïkido à Hong Kong. Alan RuddockErard, Guillaume - Entretien avec Alan Ruddock
Yamaguchi Seigo et Virginia Mayhew
Compte tenu de ce succès, elle réalise qu'elle a besoin de soutien dans l'enseignement, et Henry Kono et Alan Ruddock viennent l'aider à plusieurs reprises. Alan Ruddock passera d'ailleurs plusieurs mois à enseigner à Hong Kong à la fin de son séjour au Japon, avant de retourner en Irlande.
Alan Ruddock et Virginia Mayhew à Hong Kong
Selon l'un de ses élèves de l'époque, Virginia utilise parfois les compétences qu'elle a acquises sur le tatami dans la vie de tous les jours. Elle aurait aidé un policier de l'unité d'urgence de la Police Royale de Hong Kong à s'échapper d'une foule d'émeutiers dans le district de Sham Shui Po à KowloonHarvey, David - Woman Saved Cop From Riot Mob.. On dit que l'homme est devenu son élève par la suite.
Alan Ruddock posant devant la calligraphie d'O Sensei avec les élèves du Hong Kong Aikikai. Les caractères sont 勝速日, ce qui signifie « Jour de la Victoire ». Cela fait partie de l'une des expressions préférées du fondateur issue du Kojiki : Masakatsu Agatsu Katsuhayabi (正勝吾勝勝速日).
Après le décès d'Ueshiba Morihei le 26 avril 1969, Virginia décide qu'il est temps de partir et elle retourne brièvement à Tokyo dans le but d'organiser son remplacement. Cela s’avère infructueux et le Hong Kong Aïkikaï se retrouve sans instructeur pendant environ deux ans, jusqu'à ce que Ken Cottier soit envoyé par l'Aïkikaï pour redémarrer l'organisation. Il fondera la Hong Kong Aïkido Association, qui est toujours active aujourd'hui.
Je suis allé à Hong Kong et j'ai créé l'Association de Hong Kong. [...] Ces gens s'étaient entraînés avec Virginia Mayhew alors dès que je suis arrivé, je les ai promus au 2e kyu, je pensais qu'ils valaient bien le 2e kyu, ils s'etaient pas mal entraînés. Kenneth CottierBurlingham, Frank. Frank! Aikido Chats. p.44
Virginia Mayhew, Henry Kono et leurs élèves en train de manger un morceau après les cours d'aïkido.
Retour aux États-Unis
Virginia rentre aux États-Unis après un court séjour à Hawaï. Elle continue sa quête de prise de conscience et de centrage par la méditation, ce qui la conduit en Inde, où elle apprend d'un gourou pendant un certain temps. Là, elle épouse un homme d'affaires indien et prend le nom de famille de Patel. Le couple a eu une fille nommée Shankari, qui écrit beaucoup au sujet de sa mère et qui est la source de la plupart des informations contenues dans cet article.
Quand j'avais sept ans, ma mère et moi avons déménagé dans le sud de la Californie et avons vécu dans un vieux motel du centre-ville de Los Angeles. Tard dans la nuit, alors que nous retournions dans notre chambre, un homme en colère brandissant une batte a bloqué notre chemin et a exigé notre argent. Ma mère a essayé de le raisonner et lui a proposé de partager son argent. Cela semblait juste le mettre plus en colère et il s'est approché de ma mère brandissant sa batte de manière menaçante au-dessus de lui. Je me souviens avoir eu peur au moment où ma mère s'est dirigée vers lui. Je ne comprenais pas encore la notion d'irimi, donc cela n’avait aucun sens pour moi de la voir se diriger vers un homme qui était sur le point de la frapper avec une batte. L'affrontement proprement dit n'a duré que quelques secondes. La batte n'a jamais été en contact avec ma mère parce que tout à coup elle en a pris possession et ensuite, elle a immobilisé le poignet du gars dans une clé douloureuse. Elle s'est penchée près de lui et a dit : « Je ne vais pas vous faire de mal, mais sachez qu'il n'est pas bien d'attaquer une femme, surtout lorsque son enfant est présent. Quand je vais vous laisser partir, vous partirez paisiblement mais nous garderons votre batte. » Quand elle a finalement lâché son poignet, son agresseur potentiel ne pouvait pas s'enfuir assez vite. Shankari PatelPatel, Shankari - Irimi
Elle retourne à Hawaï, où sa fille est née, et s'entraîne à l'aïkido mais ne l'enseigne pas. Bien qu'elle ait continué à pratiquer seule ou avec des amis partageant les mêmes idées qu'elle après son retour aux États-Unis, elle n'occupe plus aucun poste officiel d'aïkido après cela. En 1993, Henry Kono se rend à Los Angeles avec son jeune fils et rencontre Virginia. Ils parlent pendant des heures de l’aïkido et d'O Sensei et des connaissances spirituelles qu'ils ont acquises via ses enseignements au fil des années. Virginia Mayhew souffre plus tard d'un accident vasculaire cérébral. Elle décède le 26 octobre 2006 à 77 ans.
Un grand merci au Dr Shankari Patel, la fille de Virginia Mayhew, pour son aide à fournir les informations et les documents nécessaires à la rédaction de cet article.
Sources :
- Archives de l’Aïkikaï : 合気道新聞 et Aikido Newspaper
- Appelbaum, Neil - The New York Aikikai. Black Belt Magazine (May 1965)
- Bennett, Peter - An Aikido Oddity: Englishman Teaches Japanese Art to Chinese. Black Belt Magazine (March 1972)
- Bush, Chuck - Training With O Sensei. Black Belt Magazine (April 1988)
- Patel, Shankari - Feminist Aikidoka
- Ruddock, Alan - Aikido Memoirs: One Irishman's Lifetime Search for the Answer to the Mystery of Morihei Ueshiba's Aikido. Aiki Pathways; 2e édition (1 août 2011)