Cet article a été publié dans le numéro de novembre 1942 du magazine Shin Budo, une revue d'arts martiaux publiée brièvement au Japon pendant les années de la Seconde Guerre mondiale. L'auteur est Hisa Takuma, menkyo kaiden de Daito-ryu Aiki-jujutsu et 8e dan d'Aikido. Il discute de la nature guerrière des budo et trace les portraits de ses deux professeurs, Ueshiba Morihei et Takeda Sokaku. Il faut noter ici que le magazine Shin Budo et son editeur, le Kokubo Budo Kyokai (国防武道協会, lit. : Association des Arts Martiaux de la Défense nationale) étaient très actifs dans la propagande pro-militaire durant la Seconde Guerre Mondiale, et cet article contient des passages très représentatifs de la ligne éditoriale du magazine. En particulier, les références à l'empereur en tant qu'être divin, la vision du Japon en tant que nation hégémonique et l'encouragement du militarisme sont particulièrement notables. Stanley Pranin avait publié une version traduite en Anglais dans le numéro 85 d'Aiki News. Ayant récemment retrouvé une copie du magazine dans une veille librairie de Tokyo, je me suis penché sur le texte original en Japonais et je vous propose ici une version française, enrichie de notes et de précisions, ainsi que des images originales. Le PDF de la version originale japonaise est disponible au téléchargement sur Patreon.
Couverture du numéro de Novembre 1942 de Shin Budo
Daito-ryu Aiki-budo
par Hisa Takuma, menkyo kaidenLe menkyo kaiden (免許皆伝) est le plus haut certificat de compétence décerné dans de nombreux systèmes d'arts martiaux traditionnels japonais. Hisa Takuma est la seule personne à avoir reçu ce titre directement de Takeda Sokaku., shihan
Judo guerrier
Par le passé, le Budo Shinko IinkaiLe Comité pour la Promotion des Budo (武道振興委員会, Budo Shinko Iinkai) est une organisation créée par le gouvernement Japonais en tant qu'organe consultatif en décembre 1939. Il est l’un des organismes principaux ayant recommandé la militarisation des arts martiaux. a cherché à identifier les éléments constitutifs des Budo, ainsi que les stratégies fondamentales à adopter afin de les promouvoir. De son côté le Dai Nippon ButokukaiL’Association pour les Arts martiaux du Grand Japon (大日本武徳会, Dai Nippon Butokukai) est une fondation établie au Japon en 1895 pour la promotion, l'éducation et le respect des arts martiaux. À partir de 1942, l’organisation est nationalisée et sert d'organe de propagande au gouvernement. Le 9 novembre 1946, elle est dissoute de force par le Commandement général des alliés. a depuis sa création entretenu un débat animé quant au choix des Budo qu’il devait soutenir. Mais la question de savoir comment certains Budo ont été classés en tant que tels, et d’autres en tant que sports, reste un problème sérieux et intéressant. Étant donné que le nouveau ButokukaiHisa ne fait bien sûr pas référence à l'organisation que nous connaissons aujourd'hui, mais à la nationalisation et à la restructuration de l'organisation qui a eue lieu l'année de la publication de son article. Cet événement est particulièrement important car il constitue une rupture avec les objectifs jusque-là principalement éducatifs des arts martiaux. Pour plus d'informations sur ce sujet complexe, j'encourage le lecteur à consulter le livre de Denis Gainty : « Martial Arts and the Body Politic in Meiji Japan ». Hisa était proche de telles organisations et c'est par exemple grâce à lui que Daito-ryu a été reconnu comme koryu par le Nihon Kobudo Kyokai (日本古武道協会). met l'accent sur une politique de type : « Les budo doivent être utilisables en combat », je suppose que leurs critères de sélection sont basés sur le fait qu'un art est efficace ou non.
Mettant de côté d’autres questions, j’aimerais discuter de l’acceptation du Judo en tant que budo du point de vue pratique.
Le Jujutsu est un bujutsu à l'origine des budo japonais, ancré en particulier dans la période des Royaumes GuerriersSengoku-jidai (戦国時代), qui s'étend du milieu du 15e siècle à la fin du 16e siècle.. Ces arts martiaux ont été développés pour fournir des techniques de combat aux samouraïs, en particulier pendant les périodes de turbulence, où il était urgent d’apprendre de telles techniques. Si le Judo moderne avait tenu compte de cette idée originale, il n'y aurait plus aucune ambiguïté au sujet de savoir si le Judo devrait être considéré comme un budo guerrier. Il est regrettable qu'en raison de l'influence de l'éducation physique mettant l'accent sur le bien-être et la force physique, le Judo contemporain ait tellement changé par rapport au Jujutsu de l'époque.
Le professeur KanoKano Jigoro (嘉納 治五郎, 1860 - 1938), le fondateur du Judo Kodokan. a rassemblé les connaissances issues de différentes écoles traditionnelles de Jujutsu guerrier qui étaient sur le point de disparaîtreLes principales sources du répertoire technique du Judo sont le Kito-ryu (起倒流) et le Tenjin Shinyo-ryu (天神真楊流), qui sont deux écoles traditionnelles de Jujutsu qui remontent respectivement au début et à la fin de la période Edo (1603–1867 )., et il a préservé et popularisé ce Jujutsu en tant qu’art martial physique, moral et éducatif. J’ai un très grand respect pour le fait qu’il ait abouti à une telle prospérité du Judo actuel. Cependant, je ne pense pas que le Judo tel qu'il est actuellement puisse être reconnu comme un art martial guerrier s'il ne rétablit pas les éléments pratiques d'origine, qui sont à nouveau nécessaires à notre époqueHisa fait référence à la Seconde Guerre Mondiale puisque le Japon est entrée officiellement en guerre avec les Etats Unis moins d'un mois avant la publication de l'article. J'espère que les dirigeants du KodokanKoeki zaidanhojin Kodokan (公益財団法人 講道館, lit. : « Ecole pour l’Etude de la Voie ») est l'organisation fondée en 1882 par Kano. et du Butokukai reconnaîtront cet argument et qu'ils porteront une attention sérieuse aux éléments pratiques du Judo qui ont disparu, comme les clés de bras et les atemiAtemi (當身) désigne généralement les coups portés au corps, bien que les emplacements, les effets et le but dans lesquels ils sont placés au sein de la technique peuvent varier. aux points vitaux, afin de transformer le Judo en un Budo guerrier dans les faits, et pas uniquement dans le nom.
Heureusement, certains enthousiastes pratiquent encore les différentes écoles de Jujutsu traditionnel, telles que Takeuchi-ryu, Shibukawa-ryu, Sekiguchi-ryu, Tenjin Shin'yo-ryu, Kito-ryu, dans lesquelles des choses comme les frappes de revers de mainGyaku-te (逆手, lit. « revers de main »)., l’aiki, et les points vitaux sont encore enseignés. Si ces techniques étaient pratiquées, étudiées et adoptées en Judo, le Judo actuel deviendrait un goju aikiGoju aiki (剛柔合気, lit. : « aiki dur-souple »). capable de tuer d'un seul coup.
Je vais maintenant expliquer quelques points de mes recherches concernant un Judo combatif appelé le Daito-ryu Aiki-budoC'est bien le terme Daito-ryu Aiki-budo (大東流合気武道, lit. : « École D'Aiki-budo du Grand Orient ») et pas Daito-ryu Aiki-jujutsu (大東流合気柔術) qui est employé ici, montrant que la terminologie était moins stricte à l’époque qu'aujourd'hui (voir note plus bas)..
Histoire du Daito-ryu Aiki-budo
Ce Budo nous vient de temps immémoriaux. La première trace écrite de cette histoire remonte à l’époque de l’empereur SeiwaSeiwa-tenno (清和天皇, 850 – 878).. Il a été transmis à travers la famille GenjiSeiwa Genji (清和源氏), une lignée du clan Minamoto descendant de l’Empereur Seiwa. au fil des générations et a été officialisé au sein d’une école par Minamoto no YoshimitsuMinamoto no Yoshimitsu (源 義光, 1045 - 1127), également connu sous le nom de Shinra Saburo (新羅 三郎), est souvent crédité comme le créateur de Daito-ryu Aiki-jujutsu, mais comme pour de nombreuses autres affirmations historiques du Daito-ryu, les preuves disponibles pour les étayer sont rares.. En d'autres termes, Yoshimitsu a étudié et étudié plus en détail les techniques transmises à sa famille. Il a disséqué les cadavres ramenés des batailles afin d'explorer l'anatomie humaine et maîtrisé les contre-techniques décisives découvert des atemi mortels. Yoshimitsu a ensuite maîtrisé une technique pour tuer d'un seul coup. Grâce à de si grands efforts, il a maîtrisé l’essence de l’aiki et a découvert les techniques secrètes de l’Aiki-budo. Par conséquent, Yoshimitsu est la personne à qui on attribue le statut de fondateur de l'école originelle.
Depuis que le Daito-ryu a été officialisé, il a continué à être transmis dans la famille Takeda, par le biais de fils, Yoshikiyo, Nobuyoshi, Nobumitsu, Kunitsugu et Takuminokami. Lorsqu'un descendant de la famille Takeda a pris le poste d'instructeur officiel du clan Aizu, le Daito-ryu a été considéré comme la technique secrète de ce clan et a été transmis à Takeda SokakuTakeda Sokaku (武田 惣角, 1859 - 1943). Pour ceux qui s'intéressent à l'origine des techniques de Takeda Sokaku, Ellis Amdur a présenté l'argument le plus complet disponible en anglais dans son livre : « Hidden in Plain Sight: Tracing the Roots of Ueshiba Morihei's Power »., l'actuel maître de l'école. Depuis le moment de sa transmission au sein du clan AizuAizu-han (会津藩), un clan qui dominait l'actuelle partie occidentale de la préfecture de Fukushima, de la préfecture de Niigata et de la préfecture de Tochigi., qui considérait ses techniques comme secrètes, jusqu'à aujourd'hui, le Daito-ryu n'a jamais été connu des étrangers. Heureusement ou malheureusement, le Daito-ryu a conservé ses techniques de combat originales sans être influencé par des éléments extérieurs, tandis que d'autres écoles de Budo telles que le Kendo, le Judo ont soit disparu, soit dégénéré en événements sportifs ou en jeux.
Mon professeur, Takeda Sokaku Sensei
Takeda Sokaku est né à Aizuwakamatsu-cho, préfecture de Fukushima. Il a appris le Kendo dès l’enfance et à 18 ans, il a obtenu un diplôme en Nito-ryuNito-ryu (二刀流), est un style de Kenjutsu spécialisé dans la manipulation de deux épées. L'utilisation du terme menkyo kaiden par Hisa suggère que Takeda a reçu un titre officiel au sein d'une école, plutôt que d'apprendre des techniques ou des principes de manière informelle, mais à ma connaissance, rien ne prouve qu'une telle licence existe. Ceci est néanmoins pertinent puisque le programme d'études de certaines écoles Daito-ryu, dont le Takumakai de Hisa, contient une section appelée Daito-ryu Aiki Nito-ryu (大東流合気二刀流)., puis plus tard, en Ono-ha Itto-ryuOno-ha Itto-ryu (小野派一刀流, lit. : « Ecole d'Epée Unique ») est une école du Kenjutsu qui a grandement influencé le Kendo moderne et qui constitue une composante du programme d'études de certaines écoles Daito-ryu (voir note plus bas). et en Jikishinkage-ryuHisa fait probablement référence au Kashima Shinden Jikishinkage-ryu (鹿島神傳直心影流).. Il a voyagé et a visité de nombreuses provinces pour suivre un apprentissage en Budo. Plus tard, il a appris le Daito-ryu Aiki-jujutsuHisa utilise le terme Aiki-jujutsu ici, très probablement pour faire référence à la partie à mains nues du programme de Sokaku. Selon la version de la branche de Daitor-ryu de Kondo Katsuyuki (veuillez vous référer au DVD « Katsuyuki Kondo Daito-ryu Aiki-jujutsu » publié par Quest Co., Ltd pour la version complète), Takeda Tokimune, le fils de Sokaku, a remplacé le nom Aiki-jujutsu par le terme Aiki-budo quand il a fondé le Daito-kan Dojo (大東館道場) en 1954. Il semble avoir utilisé le terme Aiki-budo dans le but d'enseigner plus ouvertement, mais aussi pour référer à l'ensemble formé par les techniques des mains nues de l'Aiki-jujutsu et du Kenjutsu de l'Ono-ha Itto-ryu. Cependant, nous voyons ici que le terme Aiki-budo était utilisé avant cela, souvent de manière assez interchangeable avec celui d'Aiki-jujutsu. de la famille Takeda auprès de son grand-père Takeda Soemon. Après avoir reçu un diplômeHisa écrit menkyo kaiden (免許皆傳), voir note #1., il s'est efforcé d'enseigner et de diffuser le Daito-ryu dans tout le Japon. Il a enseigné à plus de trente mille élèvesSelon mon études des eimeiroku et shareiroku de Takeda Sokaku, ce nombre est probablement assez proche de la réalité.[/ note]. Il est maintenant à la retraite et vit à Hokkaido. Il travaille dans l'agriculture et enseigne à des élèves sérieux tels que des officiers de l'armée, des officiers de police et d'autres. Il est le Soke Hisa utilise le terme soke (宗家), ce qui est un peu inhabituel quand on parle de Sokaku. Selon Kondo Sensei, le titre n'existait pas dans la tradition Daito-ryu avant que Tokimune n'en prenne le contrôle en 1954. Cependant, j'ai vu des rouleaux de transmission portant des sceaux qui suggèrent que Sokaku aurait pu utiliser ce titre, mais sur la plupart des documents de transmission, Sokaku est en effet généralement qualifié de somucho (総務 長, lit. : « Directeur Général »). du Daito-ryu Aiki-budoPour faire suite à la note précédente, il convient également de noter que le menkyo kaiden que Hisa a reçu de Sokaku référait à l'Aiki-jujutsu et non à l'Aiki-budo. Selon les proches de Hisa à qui j'ai pu parler, ce dernier n'a pas eu beaucoup d'entraînement aux armes, voire pas du tout, de Takeda, ce qui rend son utilisation du terme Aiki-budo dans le reste de l'article difficile à comprendre dans le contexte actuel. Une clarification était donc justifiée..
Mon professeurLe 8e dan Aikido a été décerné à Hisa par Ueshiba Morihei le 23 mai 1956., Ueshiba Moritaka Sensei
Ueshiba MoritakaUeshiba Moritaka (植芝守高) est un nom qu'Ueshiba Morihei utilisait entre les années 30 et les années 50. est né à Tanabe, préfecture de Wakayama. Dès sa jeunesse, il était fort physiquement et aimait s'entraîner aux arts martiaux. En grandissant, il a visité plusieurs régions et étudié auprès d'enseignants de différentes écoles. Il a pratiqué le Kenjutsu, le Jujutsu et le Bojutsu. Il a ensuite maîtrisé les techniques secrètes de l'Aioi-ryu JujutsuSelon la source, l'Aioi-ryu Jujutsu (相生流柔術) est soit un art familial que Morihei aurait appris de son père, soit l'une des façons dont Morihei appelait son art à un moment donné. Il existe également un art martial appelé Aioi-ryu fondé en 1987 par Sasaki Takehisa mais la similitude entre les noms n'est probablement que fortuite., qui ont été transmises dans sa famille de génération en génération. Il a ensuite étudié le Daito-ryuLe texte original japonais ne précise pas s'il s'agit d'Aiki-jujutsu ou d'Aiki-budo auprès de Takeda Sokaku en tant que disciple pendant de nombreuses années et il a reçu un Menkyo KaidenEn réalité, Ueshiba a été nommé kyoju dairi (教授代理, lit. : « Instructeur Représentatif »), un niveau inférieur au menkyo kaiden. Par conséquent, Ueshiba Morihei n'a jamais été officiellement autorisé à enseigner les techniques de Sokaku en toute indépendance, ce qui est probablement l'une des raisons du conflit entre les deux hommes. Le fait que Hisa supposait qu'Ueshiba avait reçu le niveau kaiden est intéressant de noter car cela suggère que Ueshiba lui aurait dit cela, ou plus probablement, qu'il gérait ses affaires comme un détenteur de menkyo kaiden l'aurait fait, c'est-à-dire sans la supervision de Takeda. et le poste de shihan dairiLe texte de Hisa suggère que le shihan dairi (師範代理, lit. : « professeur adjoint ») était un titre officiel donné par Takeda, ce qui est inhabituel car il s'agit d'un titre relativement récent par rapport au système traditionnel, et je n'ai pas pu trouver de références à ce titre dans les parties de les registres shareiroku et eimeroku qui sont à ma disposition. de Takeda Sensei.
(1) Le défenseur appuie la puissance de ses bras sur les bras des attaquants de gauche à droite, et se retire immédiatement, mais les bras du défenseur qui sont pétris par ce véritable art martial ne tremblent pas, tel des blocs de glace, ou les lames de une épée. Tori: Takuma Hisa (centre). Uke, de gauche à droite, Takezaki 5ème dan, Akune 5ème danAkune Masayoshi (阿久根政義) était l'un des étudiants du journal Asahi et il a été nommé kyoju dairi par Takeda Sokaku en 1937., Moriwaki 3ème dan, Yoshimura ShihanYoshimura Yoshiteru (吉村 義照) était l'un des étudiants du journal Asahi, il a reçu de Takeda Sokaku le titre de kyoju dairi en 1936 et selon certaines sources, le shihan dairi en 1939. Il détenait également le grade de 4ème dan en judo. Yoshimura est largement présenté dans le manuel technique de Hisa appelé le Soden..Le choix de photos pour illustrer cet article sur le sujet des budo de guerre est très étrange puisque Hisa aurait dit à plusieurs reprises que les techniques contre plusieurs attaquants [taninzudori, 多人数捕] n’étaient pas des vraies techniques de Budo mais des techniques destinées aux démonstrations pour épater la galerie.
Dès lors, il a continué à étudier avec acharnement pour assimiler l'essence de diverses écoles de Budo et maîtriser le TaijutsuHisa mentionne spécifiquement le taijutsu (体術, lit. : « techniques corporelles »). En effet, le travail sur les armes d'Ueshiba Morihei s'est développé plus tard et ressemble peuau Ono-ha Itto-ryu. Pour plus d'informations, veuillez regarder la discussion que j'ai eue avec les experts en armes Alex Bennett, Baptiste Tavernier et Jordy Delage sur les armes d'Ueshiba Morihei. contre les armes plus modernes comme les armes de guerre et les armes à feu pour créer sa propre école. Il est la figure la plus en vue du monde moderne des arts martiaux japonais traditionnels. Il a été invité à Tokyo pour enseigner à des personnalités de haut rang, officiers de l'armée et de la marine, fonctionnaires, officiers de police, etc. Récemment, il a construit une grande salle de pratique appelée le Kobukan Dojo à Wakamatsu-cho, dans le quartier d'Ushigome, où il enseigne à ces citoyens distingués de véritables techniques martiales. Il a combiné des techniques martiales conventionnelles avec l'ancienne religion mystique japonaise du shintoïsmeEn fait, Ueshiba était un membre de l'Omoto-kyo (大本教), un mouvement religieux fondé au Japon en 1892 et basé sur le Shinto. pour créer sa propre école d'arts martiaux des Kami au profit et pour la gloire de l'empereur. Dans son école, il prend au sérieux la nécessité de développer son art martial pour protéger le pays du bienheureux Empereur, pour vaincre ses ennemis et pour démontrer le pouvoir de l’EmpereurOn ne sait pas si Ueshiba aurait dit exactement les choses de cette façon, mais étant donné qu'il connaissait bien Hisa et qu'Ueshiba a lui-même contribué au même magazine quelques mois plus tôt, cela ne pouvait pas être complètement en contradiction avec son point de vue, ni de celui de la plupart des gens de l'époque en fait. Pour plus d'informations sur la position d'Ueshiba Morihei sur la politique, je recommande la lecture ou l'interview qu'il a donnée en 1956 au journal Yomiuri..
Etude diligente du budo
J’ai appris le Daito-ryu Aiki-jujutsu, l’essence des arts martiaux japonais, de Ueshiba Moritaka Sensei à partir du printemps 1935 et nous nous entraînions intensément, jour et nuit. Quatre ans plus tard, nous devions célébrer le 2600e anniversaire du règne de la ligne impériale sous l'empereur Jinmu神武天皇, Jinmu Tenno, fondateur mythique du Japon, et en même temps, la manifestation sportive mondiale des Jeux Olympiques aurait dû avoir lieu au JaponLes Olympiades de Tokyo prévues pour 1940 devaient coïncider avec le 2600e anniversaire de l'établissement, selon la légende, de l'empire japonais par l'empereur Jinmu en 660 avant J.-C. La combinaison de ces deux célébrations devait renforcer le nationalisme, renforcer l'empereur et mobiliser les masses japonaises pour des causes nationales. Ainsi, dès le début, les Jeux olympiques de Tokyo portaient un double message: ils devaient promouvoir la modernisation et l’internationalisation d’une part, mais aussi promouvoir la tradition et la fierté nationale de l’autre. Selon le CIO, le choix de Berlin et de Tokyo comme lieu des Jeux olympiques de 1936 et 1940 ne comportait aucune considération politique mais a de facto permis à l’Allemagne nazie et au Japon militariste d’utiliser ces jeux en tant qu'outils de propagande de leurs régimes autoritaire et militariste. Cependant, le gouvernement japonais décida en mai 1938 d'annuler les Olympiades de Tokyo afin de rediriger ses ressources vers l’expansion coloniale en Chine..
Par conséquent, nous espérions vivement profiter de cette occasion pour perfectionner un véritable Budo afin de rappeler à ceux qui avaient tendance à l’oublier l'essence des véritables arts martiaux japonais. Nous espérions aussi que des professionnels de l’éducation physique venus du monde entier assisteraient à cette cérémonie et reconnaîtraient cet art de combat sans égal dans le monde. De plus, nous espérions démontrer la véritable valeur des arts martiaux shintoïstes. Étant donné que la rénovation du sanctuaire de Kashihara devait commencer le 11 novembre 1936 en parallèle de la fête solennelle du transfert du sanctuaire, nous avons senti que la glorieuse 2600e année serait imminente et nous avons décidé de mettre de côté toute autre idée de notre esprit et nous consacrer à la perfection du Daito-ryu. Nous avons prié pour l'aide des Kami alors que nous nous efforcions de perfectionner notre art en adorant l'esprit divin de l'empereur Jinmu et les Kami des Budo au sanctuaire de Kashihara immédiatement après son transfert.
À partir de ce moment-là, nous nous sommes non seulement consacrés à l'entraînement sous Ueshiba Sensei, quelle que soit la température, mais nous avons même invitéCe passage est très intéressant car Hisa raconte l'arrivée de Takeda Sokaku à Osaka d'une manière très différente de celle de ses textes et interviews ultérieurs. La version qu'il a donnée ailleurs est que Sokaku est venu de façon inattendue et sans invitation, provoquant le départ précipité d'Ueshiba, sans même rencontrer son professeur. Ici, Hisa suggère qu'il a en fait invité Takeda à Osaka, ce qui semble en fait beaucoup plus plausible au sein d'une institution comme le journal Asahi. Cela aiderait également à expliquer le départ soudain d'Ueshiba sans saluer Sokaku, car il pourrait ne pas avoir été informé de cette invitation et aurait pu s'offusquer du changement soudain. Jusque-là, les gens ont soutenu que Ueshiba avait fui pour échapper à ses obligations financières envers Takeda, mais Ellis Amdur a récemment écrit un article mettant en question l'étendue de ces dettes. le professeur de Ueshiba Sensei, Takeda Sokaku Dai-SenseiLe kanji utilisé pour Dai Sensei (大先生) est le même que celui utilisé de nos jours pour désigner Ueshiba Morihei comme O Sensei, bien qu'il soit prononcé différemment (notez que 翁先生 est également utilisé parfois pour ce dernier)., le directeur de l'art, depuis Hokkaido, à nous apprendre l’art secret du Daito-ryu qu'il était interdit d'apprendre aux étrangers.
Cependant en juillet 1937, l'incident de Chine, une bataille d'une ampleur sans précédent a eu lieuHisa fait référence à l'incident du pont Marco Polo, une bataille entre l'armée nationale révolutionnaire de la République de Chine et l'armée impériale japonaise. On considère généralement qu'elle marque le début de la seconde guerre sino-japonaise (1937-1945).. Les Jeux Olympiques qui devaient se tenir au Japon ont été annulés. Puisque cet incident nous avait donné l’occasion d’exprimer l’esprit du Budo dans la vie réelle, nous avons ressenti la nécessité urgente d’appliquer notre entraînement aux Budo. Un condisciple, Yoshimura YoshiteruVoir note plus haut. Hisa au ra recours plusieurs fois l'expérience de Yoshimura plus tard dans cette série d'articles pour démontrer les techniques d'arrestation pour les policiers et les techniques d'autodéfense pour les femmes., qui s'était dévoué inlassablement à l'entrainement, a été le premier à être honoré et à avoir été appelé au service. Il a combattu dans un endroit après l'autre dans des combats qui ont eu lieu au cœur de la Chine. Grâce aux techniques secrètes du Daito-ryu, il était irréprochable et trouvait ces techniques très efficaces dans un contexte réel.
La même année, le gouvernement a entamé la reconstruction du sanctuaire Kashihara Jingu et l’agrandissement du mausolée impérial sur le mont Unebi. Comme mon entreprise, le journal Asahi, soutenait la construction du Dojo Jingu Gaien Kashihara qui devait être construit à Nara à la suite du déménagement du sanctuaire, mes camarades et moi avons décidé de nous concentrer au maximum sur le perfectionnement de notre art martial. Notre passion a peut-être touché les Kami, et le Journal Asahi m'a attribué la responsabilité des travaux de construction du sanctuaire béni. J'ai imaginé les temps anciens où l'empereur Jinmu avait fondé le sanctuaire Kashihara no Miya au pied du mont Unebi à Yamato-no-kuniYamato-no-kuni (大和図), l'ancien royaume devenu finalement le Japon, qui désigne toutes les terres soumises à l'autorité impériale, donc les territoires indexés également. où il a été intronisé après une expédition d'inspection de six ans dans l'est du Japon, rassemblant toute la nation sous un même toit… Nous avons pensé qu'il était alors temps pour nous de démontrer l'esprit japonais du shintoïsme ainsi que l'esprit de service afin de contribuer de manière décisive à l'achèvement du projet. En faisant revivre cet esprit de service, l'esprit traditionnel de l'ethnie Yamato, nous avons également estimé que nous devions accomplir un travail coopératif volontaire et un service désintéressé [des Kami] en unifiant notre esprit et en nous unissantOn retrouve ici la notion Japonaise d’harmonie (Kanji « wa », 和) qui est une composante du terme Yamato, et qui implique une unification sous le régime Japonais, parfois par la force si nécessaire..
Avec le même esprit Yamato pur de nos ancêtres qui se sont consacrés à cette terre sacrée, s’oubliant eux-mêmes et leur famille, nous avons planifié et organisé une fête de bénévoles avec l'aide de diverses sources et l'avons baptisée Kenkoku HoshitaiKenkoku Hoshitai (建国奉仕隊, fondateurs volontaires).. Nous avons tenu notre séance inaugurale le 8 juin de la même année. Pendant les deux années suivantes, les membres du parti ont travaillé assidûment à des tâches comme couper des arbres, à défricher et déplacer des terres sur le vaste terrain de 16,5 hectares. Des personnes de tout le Japon se sont intéressées à cette activité et le nombre de personnes qui se sont rassemblées pour apporter leur aide a augmenté à 1 million 200 mille personnes. À la suite de cet effort pur, la surface a été progressivement récupérée et les travaux de construction ont été réalisés plus efficacement que prévu. Pendant ces deux longues années en tant que dirigeant du parti, j’ai non seulement instruit des volontaires, mais j'ai également labouré les champs moi-même tous les jours, formant ainsi mon esprit japonais de bénévolat. En même temps, je concentrais mon esprit sur la perfection de notre art martial. Heureusement, avec la protection des Kami, ma maîtrise du Divin Aiki a progressé de jour en jour au cours de cette période de service et j'ai pu recevoir un DenshoUn densho (傳書) est un rouleau de transmission. de Ueshiba SenseiCe passage constitue l’un des rares témoignages suggérant que Ueshiba Morihei a donné des diplômes à ses élèves d’Osaka. Malheureusement, aucun de ces documents n’a survécu jusqu'à nous donc il est difficile de savoir quelle version est correcte. Si c'est le cas, il est probable qu’il s’agisse du Aiki-jujutsu Densho (合気柔術伝書) publié en 1933 (aussi connu sous le nom de Budo Renshu 武道練習) et contenant les dessins de Kunigoshi Takako, car Ueshiba Morihei avait pour l'habitude de le distribuer à certains de ses élèves à partir d'un niveau équivalent au shodan., puis le menkyo kaiden de toutes les techniques secrètes de Daito-ryu Aiki-jujutsu de Sokaku Takeda Sensei.
Dès lors, je me suis dévoué à étudier et à m'entraîner mais comme cet art est mortel, la licence n'est accordée que dans les conditions suivantes :
- L’individu doit être assez âgé pour pouvoir apprécier et démontrer une personnalité et un comportement nobles.
- L’individu ne doit jamais enseigner à quelqu'un d'autre tant qu'il n'a pas été certifié.
- L’individu ne doit jamais abuser des techniques et ne les utiliser que lorsque cela est inévitable pour servir le pays ou pour se défendre.
A cause de ces conditions strictes, nous ne pratiquions qu'entre nous à des fins d'étude. La permission n'a jamais été donnée d'enseigner à des étrangers.
Cependant, l’incident de Chine ayant engendré des conditions sociales instables, il devenait de plus en plus urgent de former des jeunes en attente de servir dans l’armée et dans la marine. Avec la permission de mes professeurs, j'ai décidé de publier un livre présentant les enseignements du Daito-ryu appelé Kannagara no BudoKannagara no Budo (惟神の武道, lit. : « Art Martial des Kami ». en 1940, qui coïncidait avec le glorieux anniversaire du 2600e anniversaire du règne de l'empereur Jinmu. J'ai donné le livre non seulement aux spécialistes des budo, mais également aux représentants du gouvernement. Comme le livre produisait des réactions et des encouragements plus favorables que prévus, non seulement de la part des officiers de la marine et de l'armée de terre, mais de partout, j'ai enseigné le Daito-ryu à certaines personnes intéressées tout en poursuivant mes propres études. Puis, au printemps 1941, à la suggestion du chef de la police d’Osaka, j’ai publié un livre intitulé Urawaza HidenUrawaza Hiden (裏技秘博, lit. : « Secrets des Techniques Inversées »). présentant comme techniques de police les techniques les plus appropriées pour les policiers. Cette publication a été distribuée aux policiers à titre de référence et j'ai personnellement commencé à enseigner les techniques décrites dans celle-ci aux policiers à Osaka.
Depuis le début de la Seconde Guerre mondiale, au nom des femmes vivant dans une situation de guerre dangereuse où il fait toujours noir la nuit à cause des pannes de courant imposées par un raid aérien nocturne, j'ai choisi des techniques de légitime défense appropriées parmi celles du Daito-ryu et les ai publiés sous le nom de Joshi BudoJoshi Budo (女子武道, lit. : « Techniques martiales pour les femmes »). et ai distribué le livre à ceux qui se spécialisent dans l'enseignement aux femmes. À la demande de ce magazine, on m'a de nouveau demandé de présenter de telles techniques d'autodéfense pour les femmes et je vais m'y conformerHisa publiera effectivement plus tard certaines de ces techniques dans les pages de Shin Budo..
(2) Une fois la puissance des attaquants neutralisée, les bras en lames de sabretegatana (手刀) du défenseur atteignent le point d'Aiki. Il projette à droite et à gauche en un instant en tirant avec son bras épée et sa jambe épéeashigatana (足刀).
Les arts martiaux doivent d'abord être appris et pratiqués directement sous la stricte discipline d'un maître. De cette manière, son essence peut être maîtrisée au-delà des mots ou de la connaissance. Il est difficile de transmettre des techniques d'arts martiaux dans des mots écrits ou parlés, et il est extrêmement difficile de comprendre de telles techniques uniquement par une introduction imprimée. Je serais cependant ravi si mes publications rappellent aux gens qu’il existe encore aujourd’hui un art martial aussi pratique et efficace pour notre vie quotidienne. J'espère que mes livres pourront servir de tremplin pour encourager le public à étudier le Daito-ryu.