André Nocquet était un homme de sport et de lettres, un ancien résistant, mais aussi un pionnier des arts martiaux. Il fut l'un des premiers élèves étrangers de Ueshiba Moriheï et le tout premier à avoir vécu sous le même toit que la famille du fondateur de l’aïkido. Fort de cette expérience, il a énormément contribué au développement de l’aïkido, aussi bien au Japon qu'en Europe. J'ai publié par le passé quelques articles inédits de Maître Nocquet, ainsi que des vidéos d'archives présentant son séjour au Japon et son travail pour la promotion de l’aïkido et des budo en France. Il m'a donc semblé nécessaire de compléter ces documents avec une biographie de l'homme, car sa vie avant le Japon est au moins tout aussi extraordinaire que son voyage pionnier dans le monde de l’aïkido. Malheureusement, les sources d'information sont assez rares et parfois contradictoires. Cet article présente les éléments qui m'ont semblé les plus exacts. Notez qu'une grande partie des informations dont je dispose sont issues de conversations privées avec des contemporains de Maître Nocquet dont Tada Hiroshi Shihan, Isoyama Hiroshi Shihan, et Kobayashi Yasuo Shihan. Je tiens en outre à remercier sincèrement monsieur Michel Nocquet, le fils d'André Nocquet, qui a gentiment accepté de relire cet article pour y relever les inexactitudes, ainsi que messieurs Frank de Craene et Claude Duchesnes les gardiens des archives de Nocquet, et Michel Desroches, pour m'avoir fourni un grand nombre de leur documents.
Jeunesse en France et découverte des arts martiaux
André Auguste Nocquet est né le 30 juillet 1914 à Prahecq dans les Deux-Sèvres au sein d'une famille l'éleveurs porcins. C'est à Niort, à une dizaine de kilomètres de la ferme familiale qu'il commence ses études, avant de poursuivre à l'école nationale des sous-officiers d'active (ENSOA) de Saint-Maixent-l'Ecole. Là-bas, vers 1929, il a l'opportunité d'apprendre de l'adjudant-chef Raffier des techniques de défense à mains nues tout à fait inédites, ce dernier ayant des connaissances en jujutsu, un art martial assez confidentiel provenant du Japon. Cette expérience laisse une forte impression sur l'adolescent ainsi qu'un fort désir d'en apprendre plus sur ce pays lointain et de ses techniques guerrières.
Maison de la famille des Nocquet à Prahec
La passion du jeune André pour la culture du corps s'explique en partie par une volonté de compenser sa petite taille. D'un naturel cependant trapu, il pratique la lutte gréco-romaine mais c'est la découverte inattendue d'un manuel de culturisme appartenant à son père, lui-même sportif accompli, écrit par le pionnier Allemand et fondateur du culturisme moderne, Eugen Sandow, qui le met formellement sur la voie. Comme il le fera tout au long de sa vie, André Nocquet se consacre totalement à cette passion et il intègre tout autant les principes de performance que la sensibilité esthétique de Sandow, se sculptant lui-même un corps tout à fait remarquable. [caption id="attachment_2568" align="aligncenter" width="507"]
André Nocquet à l'age de 30 ans
Malgré les réticences initiales de son père qui aurait voulu que son fils s'occupe de la ferme familiale, André Nocquet se dirige plutôt vers les études pour devenir professeur de gymnastique. Ayant réussi à convaincre ses parents, il part donc pour Paris en 1932 afin de suivre les cours à l'école Desbonnet située au 55 rue de Ponthieu, près des Champs Élysée. Il suit notamment les cours du docteur Boris Dolto, pionnier de la kinésithérapie moderne. Il est intéressant de noter qu'Edmond Desbonnet a largement contribué à introduire en France le bartitsu d'Edward William Barton-Wright, un art fortement influencé par le jujutsu japonais. Pendant un temps, Desbonnet avait d'ailleurs mis en place des cours régulièrs de jujutsu et bien qu'à l'époque à laquelle André Nocquet est arrivé rue Ponthieu, les cours avaient cessé, il n'est pas fortuit de penser qu'il ait pu recevoir une instruction en jujutsu là-bas.
Cours de jujutsu à l'école Desbonnet. Image parue dans le Petit Parisien en Décembre 1905.
Son apprentissage terminé et des brevets de gymnastique et de kinésithérapeute en poche, André Nocquet quitte la capitale et ouvre en 1936 un cabinet de culture physique et de thérapie dans la ville d'Angoulême. Les arts martiaux ne tardent pourtant pas à reprendre le devant de la scène dans sa vie et il commence en 1937 à faire de fréquents allers et retours jusqu'à Paris pour étudier le jujutsu sous la direction du docteur Moshé Feldenkrais, le fondateur du Jiu-jitsu Club de France. Ce dernier ayant, deux ans plus tôt, obtenu du célèbre Kawaishi MikinosukeKawaishi Mikinosuke (川石 酒造之助, 1899 - 1969) était un maître japonais 7e dan de judo. Il a dirigé le développement du judo en France, ainsi que dans une grande partie de l'Europe. qu'il vienne s'installer en France pour y enseigner le judo. André Nocquet devient d'ailleurs en 1938 le 17e élève de Kawaishi. Il se révèle brillant et s'illustre sur les tatamis à l'entrainement aussi bien qu'en compétition, pourtant, bientôt, la Seconde Guerre mondiale vient mettre un terme à cette aventure.
André Nocquet avec Kawaishi Mikinosuke. Démonstration durant la première édition du Championnat d'Europe de Judo se déroulant 5 et 6 décembre 1951 au Vélodrome d'Hiver à Paris devant plus de 10 000 spectateurs.
Période de la Seconde Guerre mondiale
Au début de la Seconde Guerre mondiale, André Nocquet est incorporé au 404e Régiment de Défense contre Avions, mais il est fait prisonnier près de Malo-les-Bains le 4 juin 1940 lors de la bataille de Dunkerque. Après plusieurs tentatives infructueuses, il réussit à s'échapper du stalag VI de Cologne-G le 11 octobre 1943 et revient en France sous le pseudonyme de Jean Hervé, où il rejoint les Forces Françaises de la Résistance. Une fois la guerre terminée, il se voit attribuer la Médaille des Évadés, ainsi que la Croix de combattant.
La pratique de l'après-guerre
En 1945, André Nocquet, de retour dans le Sud-Ouest, reprend son activité professionnelle à Angoulême. Le 12 septembre de cette année-là, il reçoit de Kawaishi la 56e ceinture noire en judo du pays ainsi qu'un diplôme en self-défense. Il crée par la suite le premier club de judo de la région, d'où il forme à son tour près de 40 ceintures noires. La police de Bordeaux lui demande en outre de former ses instructeurs de judo et de jujutsu.
Démonstration de budo réalisée lors de la première édition du Championnat d'Europe de Judo (1951). Les participants comprennent Kawaishi Mikinosuke, Awazu Shozo, Mochizuki Minoru et André Nocquet. Il s'agit probablement de la toute première démonstration majeure d'aïkido en Occident.
Au cours de son étude du judo, en 1949, Nocquet découvre une nouvelle discipline appelée l’aïkido. Elle lui est démontrée par Mochizuki MinoruMochizuki Minoru (望月 稔, 1907 - 2003) était un budoka 10e dan en aïkido, 9e dan en jujutsu, 8e dan en iaido, 8e dan en judo, 8e dan en kobudo, 5e dan en kendo, 5e dan en karaté et 5e dan en jojutsu. qui avait été invité en France par Kawaishi. La circularité, l'élégance, et le raffinement des techniques d’aïkido, l'absence de chutes plaquées font une forte impression sur Nocquet. Surtout, l'absence de saisies et de positions pré-arrangées lui font prendre conscience que pour se défendre dans la rue, une connaissance des techniques de l’aïkido pouvait être très complémentaire à ses acquis de judo. Il décide de se consacrer à l'apprentissage de cette discipline nouvelle et devient immédiatement l'élève de Mochizuki. L'approche assez cartésienne de Mochizuki, fruit de son travail d'adaptation de l'enseignement traditionnel Japonais au public occidental, plait bien à André Nocquet, et il étudie avec lui jusqu'à ce que ce dernier ne quitte la France en 1952.
La charge de la coordination de l'aïkido en Europe continentale est ensuite attribuée à Abe TadashiAbe Tadashi (阿 部正, 1926 - 1984) a commencé l'aïkido à Osaka en 1942 et a continué à s'entraîner directement sous le fondateur de l'art à Iwama en tant qu'uchi deshi pendant la Seconde Guerre mondiale. En 1952, après avoir obtenu son diplôme en droit de l'Université Waseda, il s'installe en France où il étudie le droit à la Sorbonne et enseigne l'aïkido en tant que représentant 6e dan de l'Aikikai Honbu. Il rentre au Japon au bout de sept ans et prend la tête du département des affaires internationales au Hombu Dojo., dont l’aïkido semble encore plus impressionnant à Nocquet, bien qu'un peu plus incisif, voire violent. André Nocquet poursuit donc son étude de l’aïkido avec Abe, qui lui attribue le premier dan en 1954. Nocquet, désormais 4e dan de judo fonde des clubs les villes de Bordeaux et Biarritz, et il y enseigne jusqu'en 1955, assurant la promotion de plus de 200 ceintures noires.
Diplôme de 1er dan d’aïkido de Nocquet signé par Ueshiba Morihei. Notez que Kawaishi occupe la fonction de conseiller de l'Aïkikaï.
Notant son enthousiasme, Abe conseille à André Nocquet de se rendre au Japon pour apprendre l’aïkido à la source auprès de Ueshiba Moriheï. Nocquet, qui s'occupe alors d'un dojo de 300 élèves à Bordeaux met du temps à se laisser convaincre, mais après quelques mois, il accepte finalement, après que le Kodokan dépêcha Michigami HakuMichigami Haku (道上 伯, 1912 - 2002) était un judoka 7e dan du Kodokan originaire de la préfecture de Ehime. afin de lui succéder à la tête du judo Bordelais. Sous la tutelle du ministère français des Affaires culturelles et les conseils de l'académicien français Georges DuhamelGeorges Duhamel (1884 - 1966) était un auteur français, né à Paris. Duhamel a suivi une formation de médecin et pendant la Première Guerre mondiale. En 1935, il est élu membre de l'Académie française. Il publie en 1953 le livre « Le Japon entre la tradition et l'avenir »., un ami de la famille Nocquet, André est chargé de se rendre au Japon dans le but de renforcer les relations bilatérales établies en 1953 par l'Accord Culturel Franco-Japonais.
Georges Duhamel
Duhamel, qui a à plusieurs reprises voyagé au Japon, prend un rôle de mentor pour Nocquet avant son départ, le mettant en garde au sujet du choc culturel à venir, et lui conseillant de se rendre à sa destination en bateau puisque, selon lui « Il faut savoir mériter le Japon par petites étapes ». La mission de Nocquet est d'étudier l’aïkido en tant que tout premier élève étranger vivant au Hombu Dojo de l'Aïkikaï. Il est aussi chargé d'apprendre des méthodes peu connues de thérapie physiques telles que le shiatsu, et seitaïjutsu. Le journal « Sud-Ouest » lui demande également de servir en tant que correspondant au Japon.
Départ pour le Japon
André Nocquet part pour le Japon en juin 1955, à l'âge de 40 ans. Suivant les conseils de Duhamel, il voyage sur le paquebot Le Laos dans une cabine de quatrième classe. Il profite de la traversée pour enseigner le jujutsu aux officiers, qui en retour, lui prêtent une cabine de première classe lorsqu'il fait trop chaud.
Paquebot « Le Laos »
Il arrive au Japon au bout d'un mois de traversée. Le cliché pris lors de son arrivée nous montre que Ueshiba KisshomaruUeshiba Kisshomaru (植芝 吉祥丸, 1921 - 1999) est le fils de Ueshiba Morihei, le fondateur de l'aïkido. Il a pris la tête de l'aïkido après la mort de son père. Pour en savoir plus, lisez une biographie complète de Ueshiba Kisshomaru., Sunadomari FukikoSunadomari Fukiko (砂泊扶 妃子, 1914 - 2006) est la sœur aînée de Sunadomari Kanshu. Elle a vécu au Hombu Dojo et a été une proche confidente du fondateur jusqu'à sa mort. Elle était en outre une pratiquante haut-gradée de naginata., et un jeune Tamura NobuyoshiNobuyoshi Tamura (田村 信喜, 1933 - 2010) est entré au Hombu Dojo de l'Aïkikaï en 1953 en tant qu'uchi deshi. Il s'installe en France en 1964 et devient l'un des moteurs du developpement de l’aïkido en Europe. en habits d’étudiant, faisaient partie de son comité d'accueil. On note aussi la présence de Yamada IchiroYamada Ichiro (山田 一郎) était un professeur et moine bouddhiste à Kyogakuin (京学). et de ses deux filles, du peintre francophone Narui KouNarui Kou (成井 弘, 1910 - 1990), est un artiste japonais diplômé de la Tokyo Art School en 1937. Il commence à peindre sérieusement après la guerre et participe à la fondation du Nikikai (二紀会) en 1947. Il s’installe en France en 1952 et sous les conseils de Tsuguharu Fujita (藤田 嗣治). De retour au Japon, il devient directeur permanent du Nikikai en 1967. Il voyage souvent à l'étranger en Europe et au Moyen-Orient, travaille sur des peintures de paysages dans divers endroits et laisse souvent des œuvres avec des motifs tels que les ports de plaisance. ainsi que celle du frère de Michigami Haku, qui est d'ailleurs celui qui fit parvenir ce cliché à son frère.
Arrivée d'André Nocquet au port de Yokohama en 1955.
Nocquet est invité à son arrivée au Ministère des Affaires Etrangères, où il est officiellement accueilli par Kuninosuke MatsuoKuninosuke Matsuo (松尾 邦之助, 1899 - 1975) est un journaliste, critique et traducteur japonais. Il a vécut longtemps à Paris jusqu'à l'occupation Allemande en 1940. Il a ensuite beaucoup contribué aux échanges culturels entre le Japon et la France., qui était le rédacteur en chef adjoint du journal Yomiuri et qui avait vécu de nombreuse années en France. André Nocquet ne parle pas du tout le japonais mais il maîtrise relativement bien l'Anglais, ce qui lui permet de trouver ses marques rapidement. Il peut aussi compter de temps en temps sur le soutien de Son Excellence Sato NaotakeSato Naotake (佐藤 尚武, 1882 - 1971) est un diplomate et homme politique japonais. Après avoir servi comme consul général de Moukden et secrétaire exécutif du traité naval de Londres, il devient ambassadeur du Japon impérial en Belgique en 1930, puis en France en 1933. de la Société des Nations Unies et du philosophe francophone Tsuda ItsuoTsuda Itsuo (津田 逸夫, 1914 - 1984) est un philosophe japonais et un pratiquant et d'aïkido et de seitaï. Il part en France en 1934, où il étudie avec Marcel Granet et Marcel Mauss jusqu'en 1940, date à laquelle il rentre au Japon. Il y étudie le noh, le seitaï. Piqué d'intérêt par Ueshiba Morihei et ses techniques extraordinaires, il commence aussi une étude de l’aïkido après le départ d'André Nocquet, vers 1961. En 1970, il revient à Paris et y vit jusqu’à son décès en 1984. Il est très surpris d'apprendre que ses hôtes ne connaissent rien de l’aïkido, Ueshiba n'enseignant qu'à un cercle restreint d'élèves issus des hautes strates de la société Nippone.
La routine quotidienne au Hombu Dojo
André Nocquet est finalement conduit au Hombu Dojo à Ushigome, où il sera l'hôte de Ueshiba Kisshomaru et de sa femme, SakukoUeshiba Sakuko (植芝 さくこ, 1926 - 2014), née Habutsu, était la femme de Ueshiba Kisshomaru et la mère de Ueshiba Yoshiteru et Moriteru., qui feront de leur mieux pour s'adapter aux besoins du français, en dépit du budget limité de la famille. Les conditions de vie et d'entraînement sont très difficiles pour lui et il trouve assez difficile de dormir sur le sol de la petite pièce de trois tatamis. Il développe aussi de l'urticaire géante à plusieurs reprises en réaction au régime alimentaire inhabituel.
André Nocquet avec Ueshiba Sakuko (la femme de Kisshomaru) et Sunadomari Fukiko (à droite).
En dépit des soins de ses hôtes, Nocquet se sent assez seul. Peu de gens au Hombu Dojo parlent d'autre langue que le Japonais, et la communication est un peu plus difficile. Même si Tsuda Itsuo est sporadiquement présent pour traduire les mots d'O Sensei pour Nocquet, il n'est pas avec lui au jour le jour. Il faut aussi noter qu'en plus d'être le seul étranger, à 40 ans, il est également plus âgé que la plupart des gens de Hombu, y compris Ueshiba Kisshomaru lui-même.
Nocquet avec les deshi et instructeurs du Hombu Dojo. La plupart sont beaucoup plus jeunes que lui.
Cet isolement relatif n'est rompu qu'en 1956 au retour de Tohei KoichiTohei Koichi (藤平 光一, 1920 - 2011) était un aikidoka 10e dan et le créateur du ki-aïkido. À partir de 1953, Koichi il démarre l'introduction de l’aïkido en Occident, principalement à travers des voyages d'enseignement réguliers à Hawaï, mais aussi aux États-Unis continentaux et en Europe. au Japon après une année passée aux États-Unis. Tohei est donc probablement le seul instructeur du Hombu capable de communiquer en Anglais avec Nocquet à l'époque. Il est intéressant de noter que Nocquet n'entame la rédaction d'un journal de pratique qu'à ce moment là, presque un an après son arrivée au Japon.
Nocquet et Tohei au Hombu Dojo (photo aimablement fournie par Kobayashi Yasuo Shihan)
L'enseignement est très différent de ce dont il a l'habitude. Alors que Mochizuki Minoru et Abe Tadashi ont adopté une approche très systématique et pédagogique de l'enseignement, au Hombu Dojo, il s'agit de répéter le même mouvement, sans explications, jusqu'à l'épuisement. Lors d'une discussion que j'ai eue avec Isoyama Hiroshi Shihan, ce dernier m'a dit que Nocquet a rencontré de grades difficultés techniques et qu'une grande remise en cause technique s'est imposé. Il trouvait remarquable qu'un homme plus âgé, et aussi expérimenté que Nocquet ai su prendre sur lui de repartir de zéro.
André Nocquet au Hombu Dojo
Plus tard, André Nocquet dira souvent que les uchi deshi Tamura Nobuyoshi et Noro Masamichi sont rapidement devenus ses partenaires favoris, et ce même si la pratique était parfois assez physique. Il s’entraîne chaque jour durant cinq heures eux et la vingtaine d'autres élèves réguliers. Certains documents suggèrent que d'autres élèves vivaient également dans le dojo. Dans une lettre qu'elle a écrite à la famille de Nocquet le 30 novembre 1955, Sunadomari Fukiko mentionne qu'elle vivait elle aussi dans le dojo et s’entraînait avec Nocquet.
Lettre écrite par Sunadomari (Mitsue) Fukiko à la famille Nocquet.
Tous les jours, la même routine est suivie, André Nocquet se lève à cinq heures et commence à nettoyer le dojo pendant une heure, suivie d'une première heure d'entrainement à six heures, puis une seconde, après une demi-heure de pause. Ueshiba Kisshomaru, dirige la majorité des premiers cours du matin, même si des élèves avancés comme Tada Hiroshi, qui était déjà 4e dan à l’époque, contribuent également.
Extrait du Journal d’André Nocquet pour le 28 août 1956 montrant l'importance de Ueshiba Kisshomaru. « A Wakamatsu-Cho, O Senseï et Waka Senseï qui sont les véritables héritiers de toutes les techniques de Aïki-Do forment maintenant des instructeurs tels que les : TADA, YAMAGUCHI, OKUMURA, OSAWA, TAMURA, NORO, [illisible], ARIKAWA, etc. Ils s'entraînent chaque jour suivant les précieux enseignements qu'a donné le Maître vénéré O Senseï à son fils. Et Waka Senseï enseigne chaque jour avec son cœur et sa droiture tous ses élèves, de quelque nationalité qu'ils soient. »
O Sensei enseigne aussi, mais de façon ponctuelle et impromptue, lorsqu'il se trouve à Tokyo. Le petit déjeuner vient seulement après le second cours, et même si le besoin de nourriture est intense, Nocquet admet ne jamais vraiment s’être habitué à manger du poisson mariné pour le petit déjeuner. La collation est suivie par une pratique libre jusqu'à l'heure du déjeuner préparé pour les uchi deshi par l'épouse de Kisshomaru.
Nocquet recevant une technique de Ueshiba Kisshomaru sous les yeux de O Sensei
Les quelques autres étrangers qui suivent les cours au Hombu Dojo sont en majeure partie des Américains qui ne vivent pas au dojo et ne viennent que de façon épisodique. Le dojo vient effectivement juste de reprendre ses activités après que l'interdiction de pratiquer les arts martiaux fixée par le général MacArthur ait été levée via le traité de San Francisco de 1951.

Le nafudakake du Hombu Dojo montrant les noms des élèves à l'étranger (Nocquet est le seul troisième dan français)
Les repas sont des occasions pour parler plus librement avec le maître Ueshiba, même si André Nocquet a constamment besoin de l'appui d’interprètes. À 16 heures, l'entrainement reprend sous la direction des instructeurs du dojo tels que Koichi Tohei, alors directeur technique de l'Aikikai, Okumura Shigenobu, Osawa Kisaburo, et Tada Hiroshi. Le cours est suivi d'une pause de 30 minutes jusqu'à 17 heures, et enfin, d'une dernière heure de pratique pour conclure la journée.

Tada Hiroshi, André Nocquet, et Yamaguchi Seigo devant le Hombu Dojo
Il est clair que de tous les instructeurs, Nocquet a reçu le plus d'instructions de Ueshiba Kisshomaru et Tohei Koichi. Les commentaires sur les cours de Tohei constituent d'ailleurs le plus gros du nombre d'entrées dans le journal personnel de Nocquet, suivis de ceux de Kisshomaru.
M. Tohei est allé d'Hawaï en Amérique continentale et probablement à cause de cela, il était doué pour expliquer les choses d'une manière simple. [...] C'était facile à comprendre et il était bon pour expliquer le Ki aussi. Je pense que cela a beaucoup influencé Nocquet.Kobayashi Yasuo - Entretien avec Kobayashi Yasuo Shihan
Les débuts de la reconnaissance internationale de l’aïkido
Les revenus de la famille Ueshiba sont plutôt modestes à l'époque et même si l’aïkido était, avant la guerre, essentiellement enseigné aux membres des hautes classes de la société japonaise, il faut maintenant un soutien extérieur si l'organisation veut perdurer. Selon Okumura Shigenobu, c'est l'arrivée d'André Nocquet qui a vraiment marqué la reprise de l'activité médiatique au dojo, les journalistes domestiques et internationaux se prenant d'intérêt pour les aventures extraordinaires de cet homme d'âge mûr. Un certain nombre d'articles de journaux ont été écrits au sujet de Nocquet et Tada Shihan m'en a gentiment fait cadeau, vous pouvez en lire des traductions ici.
Article de journal Japonais sur André Nocquet (article aimablement fourni par Tada Hiroshi Shihan)
On demande d'ailleurs à André Nocquet de faire jouer ses contacts et mettre en place un évènement officiel pour présenter l’aïkido aux dignitaires étrangers présents au Japon. Le 28 septembre 1955, O Senseï donne sa première conférence au Hombu Dojo sur les aspects spirituels de l’aïkido auprès de représentants culturels de plusieurs ambassades. Le Département de la Culture et de l'Information de l'Ambassade de France parraine par la suite une démonstration se déroulant au Hombu Dojo le 25 septembre 1956 en présence de la presse et des représentants des ambassades étrangères. Lors de cet événement, O Senseï donne une conférence sur les idéaux spirituels de l’aïkido, suivie d'une démonstration à laquelle Nocquet participe.
Démonstration de Nocquet au Hombu Dojo
L’évènement est un succès et il a une portée qui ira bien au-delà du Japon. Il s'agit en fait du point de départ de l'engouement incroyable de l'étranger pour l’aïkido. D'autres démonstrations suivent, notamment sur les toits de plusieurs grands magasins de Tokyo. Nocquet est déjà au Japon lorsque la première démonstration publique d'aïkido ayant eu lieu sur le toit du grand magasin Takashimaya en septembre 1955, mais l'étendue de son implication est incertaine. Selon Kobayashi Yasuo, Nocquet a cependant participé à une manifestation ultérieure organisée par le journal Yomiuri sur le toit du grand magasin Toyoko à Shibuya, d'où sont issues les photos figurant dans son livre « Maître Morihei Uyeshiba : Présence et message ».
Démonstration en 1957 sur le toit du grand magasin Toyoko de Shibuya (la photo est dédicacée par Nocquet à Kobayashi Yasuo Shihan, ce dernier m'a gentiment autorisé à la publier ici).
Nocquet donne à plusieurs reprises des entretiens avec des journalistes et des politiciens étrangers, y compris lors d'un discours qu'il a prononcé le 11 novembre 1956 le Jour du Souvenir, qui est retranscrit dans son journal. Selon une autre entrée de son journal, un projet de tournage d'une vidéo promotionnelle est lancé, avec en particulier la mention d'une section réalisée dans le jardin de l'hôtel Chinzanso de Tokyo.
Extrait du journal personnel d’André Nocquet (datée de novembre 1956)
J'ai retrouvé des extraits correspondant à la description du journal dans les archives de Nocquet. C'est lors d'un visionnage de ce film en compagnie de Tada Hiroshi Shihan que ce dernier m'a mis sur la voie en me disant que l'endroit était Chinzanso. Cependant, contrairement à ces que le journal suggère, ces films sont en 8 millimètres noir et blanc, et pas 16 millimètres couleur. Je ne sait pas si le projet a jamais été finalisé, ni s'il a été diffusé.
Le fondateur de l'aïkido Ueshiba Morihei se promène avec son fils, le deuxième Doshu Ueshiba Kisshomaru, André Nocquet et un certain nombre de personnes non identifiées. La femme à droite de O Sensei à 2:10 est Sunadomari Fukiko.
D'autres expériences martiales et des reconnaissances officielles
Dans son temps libre, Nocquet étudie la self-défense avec Tomiki Kenji, l'instructeur en chef aux quartiers généraux du judo, le Kodokan, qui fondera ensuite le style d’aïkido qui porte son nom. J'ai également trouvé dans les archives de Nocquet des photos où il apparaît s’entraînant sous la direction de Takimoto Tekko, le fondateur du Takimoto-ha Fusen-ryu jujutsu. Le Fusen-ryu jujutsu est un koryu relativement récent (début du 19e siècle) connu pour ses techniques mains nues de jujutsu, en particulier son travail au sol, et son étude des atemi. Une certaine rivalité entre celle-ci et le Kodokan de Kano Jigoro aurait existé et une théorie circule selon laquelle Kano Jigoro aurait décidé d'ajouter du travail au sol à son judo suite à une défaite de ses élèves face aux représentants du Fusen-ryu.
André Nocquet en compagnie de Takimoto Tekko, le fondateur du Takimoto-ha Fuden-ryu jujutsu.
Sur le sujet du judo, André Nocquet ne manque évidemment pas de prendre contact avec des judoka japonais. Il semble même qu'il ait été en relation avec le professeur de son propre professeur, Kurihara TamioKurihara Tamio (栗原 民雄, 1896 - 1979) est un judoka 10e dan célèbre qui fut entre autres le professeur de Kawaishi Mikinosuke. Il était le professeur en chef dans une école professionnelle d'arts martiaux, ainsi qu'un instructeur pour la police de la préfecture de Kyoto. Une carte postale envoyée par Nocquet à Michigami Haku suggère qu'ils a effectué un séjour à Kyoto chez Kurihara fin 1956.
Carte postale envoyée par André Nocquet à Michigami Haku le 5 octobre 1956.[/caption] Dans son journal, Nocquet mentionne également des cours suivis au Tempukai avec Tohei Koichi sous la direction de Nakamura Tempu, le fondateur du yoga Japonais, et dont l'influence sur les instructeurs d’aïkido de cette époque est très importante. Il semble aussi étudier le kempo sous la direction d'un certain Monsieur Savoy, que je n'ai pas été en mesure d'identifier. Nocquet étudie aussi brièvement le karaté Kyokushin avec son fondateur, Oyama MasutatsuOyama Masutatsu (大山 倍達, 1923 - 1994) est le fondateur du karaté Kyokushin , considéré comme le premier et le plus influent style de karaté full contact. Issus d'une famille Coréen Zainichi, il a passé la majeure partie de sa vie au Japon et a acquis la nationalité japonaise en 1968.. Selon l’archéologue Jay Gluck, un contemporain de Nocquet, ce dernier aurait même effectué un entraînement ascétique dans la montagne durant l'hiver avec Oyama.
Mas conduisait un entraînement en montagne au moins une fois par hiver. Une année, il a emmené un partenaire d'entrainement, André Nocquet, expert de la savate française et détenteur d'une ceinture noire de haut rang en judo, envoyé au Japon par l'organisation nationale française de judo pour étudier le karaté, l'aïkido et le kempo chinois. [...] André disait que Mas les avait fait marcher pieds nus dans la neige. Avant l'aube tous les matins, ils faisaient une heure d'exercice et de karaté freestyle-savate-judo et du grappling. « Ensuite », dit André, « nous prenions un petit-déjeuner digne d'un moine médiéval et passions le reste de la matinée à nous crier de la poésie, moi en français, Mas en coréen ou japonais, avant notre séance d'entraînement de midi et un déjeuner d'ermite. » On Writing Zen Combat par Jay Gluck
Nocquet reprendra d'ailleurs certaines de ces idées par la suite et conduira parfois des entrainement dans la neige avec ses élèves Européens.
Nocquet dirigeant un cours dans la neige.
Il est cependant bientôt rappelé à l'ordre par Ueshiba, qui lui dit qu'il est venu de se concentrer sur l’aïkido. Il arrête donc sa formation avec Oyama, ce dernier comprenant très bien que la pratique simultanée de ces deux disciplines exigeantes n'est pas réaliste. Il est intéressant de noter que Nocquet écrit plus tard dans son journal la chose suivante :
Plusieurs élèves étudient en même temps aïki, karaté, kempo pour se défendre, qu'ont-ils compris de l'esprit de aïki ? [...] Le pratiquant d'aïki ne peut pratiquer d'autres arts de self-défense s'il comprend bien l'esprit de aïki, sinon en en pratiquant d'autres il prouve qu'il n'a absolument rien compris. Extrait du Journal personnel d'André Nocquet daté du 12 septembre 1956
André Nocquet, dont la mission est aussi d’étudier les systèmes de santé japonais, reçoit aussi un diplôme en shiatsu de Namikoshi TokujiroNamikoshi Tokujiro (浪越 徳治郎, 1905 – 2000) est le fondateur de la thérapie shiatsu et le président de l'Ecole Internationale de Shiatsu de Tokyo. Ce diplôme est daté du 25 décembre 1955, soit moins de six mois après l’arrivée de Nocquet au Japon, et on peut donc penser qu'il s'agisse d'un titre reflétant un niveau de conaissance relativement superficiel. Il faut noter également que Nocquet a reçu le diplôme de niveau élémentaire juste deux semaines avant, ce qui suggère que Nocquet ait pris part à un stage intensif.
Diplôme de shiatsu de niveau intermédiaire décerné le 25 décembre 1955 à André Nocquet par Namikoshi Tokujiro.
Il est aussi prié par Nishi KatsuoNishi Katsuzo (西 勝造, 1884 - 1959) est le fondateur du Nishi Shiki en 1927. Il travaillait également comme ingénieur en chef du premier projet de métro du Japon. Il était aussi professeur d'aïkido au Hombu Dojo, et son exercice « du poisson rouge » (kingyo undo) est encore pratiqué aujourd'hui pendant les échauffements. d'enseigner les principes des systèmes de santé japonais aux responsables français. Nocquet est sensé avoir remis un rapport à l'Académie Française au sujet des techniques de soin Japonaises, mais j'ai été incapable d'en retrouver une copie.
André Nocquet au Hombu Dojo avec Ueshiba Morihei et Namikoshi Tokujiro (à droite)
Peu avant son départ en 1957, André Nocquet est officiellement promu au titre de shidoin (instructeur) du Hombu Dojo de l'Aïkikaï, et il reçoit également un diplôme de la part de Tomiki.
Titre de shidoin de Nocquet signé par le Dojo-cho Ueshiba Kisshomaru le 14 octobre 1957
Départ du Japon et de retour en France
Nocquet quitte le Japon via le port de Yokohama en octobre 1957. A cette occasion, un grand nombre de personnes, dont Ueshiba Kisshomaru, Tada Hiroshi, Sunadomari Fukiko, Kobayashi Yasuo et bien d'autres élèves et instructeurs du Hombu Dojo l'accompagnent pour lui souhaiter un bon retour.
Nocquet sur le point de quitter le Japon depuis le port de Yokohama.
Nocquet fait escale aux États-Unis et enseigne l'aïkido au service de police de la ville de Fresno. Il reçoit un diplôme du National Exchange Club des États-Unis le 11 février 1958. Robert Cornman, un élève américain de Nocquet, a contacté le département de police de Fresno de ma part mais malheureusement, il ne semble rester aucune preuve ni témoin du passage de Nocquet, et donc les circonstances dans lesquelles il y a enseigné restent inconnues. Nocquet revient finalement en France au cours de l'été 1958.
Départ de Nocquet au port de Yokohama (photo aimablement fournie par Kobayashi Yasuo Shihan)
À son retour en France, André Nocquet commence immédiatement à enseigner. Il lui est également demandé d'écrire un volumineux dossier pour le ministère de l'Éducation mettant en parallèle ce qu'il a appris au Japon avec les techniques martiales traditionnelles européennes depuis le 15e siècle.
Fonctions officielles en tant que représentant de l'Aïkikaï et organisation de l’aïkido en France et en Europe
Abe Tadashi promeut Nocquet a grade de 4e dan le 10 Décembre 1959. Lorsqu'Abe retourne au Japon en 1960, il désigne Nocquet comme son remplaçant dans ses fonctions pour le développement de l’aïkido en Europe et le présente aux pratiquants Européens via une lettre écrite le Vendredi 20 mai 1960.
Lettre de Abe Tadashi présentant Nocquet comme son successeur.
Cette fonction, et le droit de Nocquet d’attribuer des grades dan est confirmée par Murashige Aritomo, 9e dan et délégué général de l'Aïkikaï pour l'Europe via une attestation envoyée le 8 juillet 1962.
Lettre de Murashige Aritomo confirmant le rôle de Nocquet en France.
Ueshiba Kisshomaru charge Nocquet d'accueillir l'arrivée en France en 1961 de Noro Masamichi. Il suggère dans sa lettre que Nocquet recevra une promotion, mais la nature de celle-ci n'est pas spécifiée. La même année, c'est et Nakazono Mutsuro qui arrivera depuis Singapour, puis plus tard en 1964, ce sera au tour de Tamura Nobuyoshi. Les trois hommes sont envoyés afin d'aider à développer l’aïkido en France et dans le reste de l'Europe.
Lettre de Ueshiba Kisshomaru annonçant l’arrivée de Noro Masamichi. Notez la fonction de Abe Tadashi, qui malgré la légende entourant son départ avec pertes et fracas de l'Aïkikaï, suggère qu'il est resté, au moins pour une temps après son retour au Japon, un employé de l’organisation.
La promotion décrite plus haut coïncide avec le fait qu'Ueshiba Morihei fait remettre à Nocquet par Murashige un titre de 5e dan daté du 12 avril 1962. Malheureusement, je n'ai pas retrouvé l'original du diplôme mais une traduction certifiée conforme est disponible dans le livre de Jean-Daniel Cauhépé.
Traduction du diplôme de 5e dan d’André Nocquet
La présence sur le territoire de tant d'instructeurs de haut niveau exacerbe les tensions au sein d'une communauté d'aïkidoka déjà hétérogène, et conduit à des scissions et des divergences d'opinions qui sont encore vivaces aujourd'hui.
Il y avait des conflits territoriaux, comme l'un ouvrait un dojo, et un autre en ouvrait un à proximité. [...] Mais oui, ils se battaient pour des territoires comme ça, mais je ne saurais dire lequel était en tort.Kobayashi Yasuo - Entretien avec Kobayashi Yasuo
L'une des principales sources de mécontentement de la part de l'Aïkikaï résiderait dans le fait que Nocquet ait décidé de se rapprocher de la fédération de judo.
Lettre de Abe Tadashi à Nocquet datant de 1964 et critiquant sa décision d'appartenir à la fédération de judo.
Il semblerait que Kobayashi Hirokazu ait été envoyé en Europe pour en apprendre d'avantage et il a écrit la lettre suivant à Nocquet un peu plus tard, le réhabilitant :
Lettre de Kobayashi Hirokazu à Nocquet datant de 1965.
Le conflit entre Nocquet et l'Aïkikaï aboutira à un procès intenté en France par Nocquet contre l'Aïkikaï avec pour origine probable l'arrangement financier établit entre Nocquet et Abe Tadashi en ce qui concerne la transmission de la tache de représentant pour la France et la Suisse. L’arrêt de la cour de cassation datant de 1971 précisant cet arrangement et donnant raison à Nocquet est disponible ici. Cet événement malheureux aurait abouti au renvoi Nocquet de l'Aïkikaï et du retrait de ses titres.
[...] le 10 décembre 1959, deux conventions ont été passées entre Nocquet et Abe qui se qualifiait de délégué général pour l’Europe du maître x... pour le developpement de l'Aikido en Europe ; Qu'aux termes de ces accords, Abe accordait à Nocquet, pour trente années, le droit exclusif de professer l'Aikido à Paris et dans la région parisienne et lui donnait le droit de conférer certains diplômes a ses élèves ; Qu'en contrepartie, Nocquet versait à Abe une somme d'un million d'ancien francs, étant convenu qu'au cas ou Abe désignerait un autre représentant à la place de Nocquet, ce dernier aurait droit au remboursement de la somme susvisée ; Que Nocquet, soutenant qu'Abe et les délégués de l'Aikido avaient rompu ces engagements, a assigne Abe et le centre mondial d'Aikido, en remboursement et en dommages-intérêts ;[...] Extrait de l’arrêt de la Cour de Cassation, Chambre civile 1, du 9 juin 1971, 70-11.408, Publié au bulletin officiel.

Kobayashi Hirokazu, 8e dan Aïkikaï, décernant le 7e dan de sa propre organisation, le Aikido Osaka Hombu, à André Nocquet lors du Stage International à La Baule le 6 juillet 1973.
Nocquet enseigne à la plupart des professeurs actuels de haut rang d’aïkido, ainsi qu'aux soldats de l'Union Nationale Parachutiste, et aux fonctionnaires de la police nationale. Nocquet continue à enseigner l’aïkido et à œuvrer pour la diffusion de ses idéaux pacifistes à travers des cours et des conférences qu'il donne dans toute l'Europe.
Mochizuki Hiroo, André Nocquet et Tamura Nobuyoshi
À partir de 1975, André Nocquet commence la rédaction de son premier livre sur l’aïkido, relatant son expérience au Japon, il y publie une collection de photos inédites d'Ueshiba Moriheï. Il participé également à un certain nombre de grands événements tels que le festival annuel des arts martiaux de Paris-Bercy.
André Nocquet à Bercy (1990)
Nocquet participe en 1976 à la création de la Fédération Internationale d’Aïkido. L'Association pour le Développement de la Recherche sur le Cancer, et les Professeurs Lucien Israël, Georges Mathé, Léon et Maurice Tubiana Schwarzenberg lui remettent le diplôme de l'Association pour soutien qu'il apporte à leur initiative. Il reçoit le titre de Chevalier de l'Ordre national du Mérite le 10 juillet 1982. En 1985, Nocquet annonce par lettre à Saïto Morihiro son intention de rejoindre Tamura Nobuyoshi au sein de sa fédération, qui est distincte de la fédération de judo.
Lettre de Nocquet à Saïto Morihiro lui faisant part de son intention de rejoindre la fédération de Tamura Nobuyoshi.
La collaboration durera jusqu'à la fin puisqu'à ce jour, le groupe créé par Nocquet est toujours un sous-groupe de la Fédération Française d’Aïkido et de Budo créée par Tamura Nobuyoshi. Nocquet est promu par sa fédération au 8e dan d’aïkido en 1985.
Documentaire de la télévision française avec André Nocquet et Tamura Nobuyoshi
Les liens entre Nocquet et l'Aïkikaï semblent se rétablir et Nocquet se voit remettre par Saïto Morihiro, lors de l'une de ses venues en Europe, une invitation de Kisshomaru Doshu. Nocquet accepte et propose de donner à l’événement une dimension officielle et contacte le ministère français. Il retourne au Japon en 1990, pour la première fois depuis 33 ans et fait présenter à Ueshiba Kisshomaru la médaille d'or du Ministère du Sport français.
Allocution prononcée par André Nocquet à l'intention du Doshu Ueshiba Kisshomaru lors de la remise de la Médaille de Jeunesse et Sports à Tokyo le 19 mai 1990.
Un compte-rendu est publié dans le Journal de l'Aïkikaï mais il ne fait aucune mention de Nocquet. Stanley Pranin, qui avait couvert l’événement pour Aiki News, m'a confié en privé qu'il interprétait cela comme un camouflet envers Nocquet.
Compte-rendu sur la remise de la médaille de la Jeunesse et des Sports à Ueshiba Kisshomaru (Journal de l'Aïkikaï, juin 1990).
Le nom d'André Nocquet n'est pas cité dans le texte.[/caption] Nocquet est fait Chevalier de la Légion d'honneur le 2 avril 1994. Il décède le 12 mars 1999 à l'âge de 84 ans et est enterré à Prahecq, sa ville natale.
Tombe du couple Nocquet à Prahec
Note: La plupart des images d'archives de cet article m'ont été gracieusement fournies par Tada Hiroshi Shihan, Kobayashi Yasuo Shihan, Mrs. Frank de Craene et Claude Duchesne, les administrateurs des archives d'André Nocquet, et enfin Michel Desroches. Merci également à Odilon Regnard et Olivier Delle Castelle pour leur aide dans l'analyse de ces nombreux documents. Je voudrais dédier cet article à la mémoire de M. Frank de Craene. Frank était un étudiant très proche de Nocquet et le gardien de ses archives. Quelque temps avant son décès, il m'a confié la tâche de poursuivre son travail d'analyse de ces matériaux et de les mettre au monde. « La vérité, rien que la vérité », me dit-il en me remettant ces documents. J'espère être digne de sa confiance. Qu'il repose en paix.