Entretien avec Tada Hiroshi Shihan: Une vie à cultiver le Ki

Entretien avec Tada Hiroshi Shihan: Une vie à cultiver le Ki

Tada Hiroshi Shihan est l'un des derniers élèves de O Sensei Ueshiba Morihei encore en vie. Il a enseigné à certains des plus grands enseignants en activité, au Japon, ainsi qu'à l'étranger. Il détient actuellement le grade de 9ème Dan, ce qui fait de lui l'enseignant le plus gradé dans la hiérarchie du Hombu Dojo. Tada Shihan est connu pour le dynamisme extraordinaire de ses démonstrations, malgré ses 80 ans passés. Avec l'aide de son élève de longue date, monsieur Fabio Gygi, nous avons décidé de lui poser des questions sur son passé et sur les concepts physiques et psychologiques qu'il enseigne pendant ses nombreux stages toute l'année.

GuillaumeErard.fr : Comment avez-vous commencé votre étude des Budo ?

Tada Hiroshi : Durant l'enfance. Les gens d'avant la Seconde Guerre mondiale ont tous fait cela, ils commençaient à pratiquer dès l'école primaire. En outre, il existait dans ma famille un style de tir à l'arc qui a été transmis. Il y avait un impressionnant makiwara derrière notre maison. J'utiisais l'arc rouge et noir qui avait appartenu à mon père quand il était enfant et j'ai appris les bases. C'était toujours fait comme ça. Le style s'appelait Heki-Ryu Chikurin-ha Ban-pa. C'est un style très peu connu qui était enseigné à Tsushima aux membres des classes supérieures de samouraï qui gagnaient plus de 500 koku de riz par an. Bien que nous ayons un champ de tir chez nous, nous n'acceptions pas d’élèves extérieurs. Cela faisait partie de notre éducation familiale. Tout le monde faisait comme ça.

GuillaumeErard.fr : On apprenait uniquement chez soi ? J'ai commencé à pratiquer l'épée à l'école primaire, puis, quand j'étais étudiant, j'ai également pratiqué le karaté avec Funakoshi Gichin Sensei.

Tada Hiroshi : Oui, à la maison. Vous aviez un dojo dans votre maison et c'est là que vous pratiquiez. Il en va de même pour l'équitation. Un samouraï digne de ce nom aurait eu une écurie et y pratiquerait. Vous n'aviez pas à aller à l'école pour cela. Bien sûr, il y avait aussi d'autres choses que vous appreniez à l'école.

GuillaumeErard.fr : C’était à Tokyo ?

Tada Hiroshi : Oui, Tokyo. Je suis né à l'hôpital de l'Université de Tokyo, alors qu'il était encore à Nishikatamachi. Mon père était à l'Université impériale de Tokyo à cette époque, puis, en 1933, nous avons déménagé à Jiyugaoka. La maison était grande et Jiyugaoka à cette époque était encore dans la campagne. J'ai commencé à pratiquer l'épée à l'école primaire, puis, quand j'étais étudiant, j'ai également pratiqué le karaté avec Funakoshi Gichin Sensei.

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Funakoshi Gichin (1868 - 1957) fondateur du Karaté-do

GuillaumeErard.fr : Était-ce le style Shotokan ?

Tada Hiroshi : Oui, Shotokan, c'est ainsi que les gens l'appelaient, mais Funakoshi Sensei ne l'appelait pas comme ça. Shoto était le nom d'auteur de Funakoshi Gichin Sensei. C'est le même kanji que celui utilisé pour le district de Shoto à Shibuya. Shoto signifie « le vent bruissant dans les aiguilles de pin ressemble à des vagues ».

GuillaumeErard.fr : Avez-vous rencontré Funakoshi Sensei ?

Tada Hiroshi : Oui, de nombreuses fois. J'ai aussi accompagné Funakoshi Sensei au retour du dojo deux ou trois fois.

Tada Hiroshi (au centre) en famille (avril 1945)

GuillaumeErard.fr : Quelle a été votre motivation pour intégrer dans le Dojo Ueshiba ? Ensuite, je suis allé en Mandchourie en 1941, lors du dixième anniversaire de la fondation de l'État de Manchuko.

Tada Hiroshi : J'en connaissais l'existence depuis l'enfance. J'en entendais souvent parler pendant la guerre, alors que j'étais en troisième ou quatrième année. Beaucoup de personnes célèbres étudiaient ce Budo exceptionnel. Yano Ichiro, l'ancien président de Dai-Ichi Seimei, était un ami proche de mon père. Il avait commencé le Kendo durant l'enfance à l'école secondaire de Hibiya, puis tout au long de son parcours à l'Université de Tokyo. Ensuite il est devenu le président de l'Association des hommes d'affaires et il tenait aussi le plus haut rang (Hanshi) du Butokukai. M. Yano disait à propos d'O Sensei que : « Par rapport à Ueshiba Morihei Sensei, je ne suis qu'un bébé ». C'est ce que j'ai entendu à son sujet quand j’étais enfant.

Tada Hiroshi avec ses camarades de lycée au lendemain de la guerre (juin 1946)

Ensuite, je suis allé en Mandchourie en 1941, lors du dixième anniversaire de la fondation de l'État de ManchukoÉtat satellite contrôlé par l'empire du Japon de 1932 à 1945. Il y avait une réunion de Budoka venus de tout le Japon et il y eu une grande démonstration au Hall of Martial Arts devant le dernier empereur de Chine. J'ai entendu dire que la démonstration que Ueshiba Sensei avait donnée ce jour-là était incroyable. J'étais censé y assister, mais ma mère et ma soeur ont trop discuté et nous l'avons manquée, mais mon cousin l'a vue.

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Rassemblement de Budoka en en avril 1942 pour commémorer la fondation de l’état de Manchukuo en Chine occupée.

GuillaumeErard.fr : Quel âge aviez-vous ?

Tada Hiroshi : J'avais douze ans. À partir de ce moment, les choses sont devenues difficiles à cause de la guerre. Peu de temps après, le sujet est revenu sur la table lors des vacances de printemps au Club de Karaté de l'Université de Waseda. Nous parlions d'un maître célèbre appelé Ueshiba, que l'amiral Takeshita était son sponsor, et qu'il pouvait projeter en un clin d'œil les officiers étrangers. Harada Mitsusuke, qui est actuellement à Londres, et Oshima Tsutomu, qui est maintenant en Amérique, étaient également là quand on en a parlé. M. Takeda, qui était le capitaine du club à l'époque, a déclaré : « Maintenant que vous en parlez, un de mes proches a fait les illustrations du livre sur Budo d'Ueshiba-Sensei ». Il m'a dit qu'il pouvait me trouver l'adresse du dojo si j'étais intéressé. Il s'agissait de Wakamatsu 102. Ça se trouvait à une courte distance de marche de l'Université de Waseda.

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Le Hombu Dojo vers 1957

GuillaumeErard.fr : Au même endroit que le Hombu Dojo actuel ?

Tada Hiroshi : Oui, à Wakamatsu-cho 17-18, mais à l’époque, c’était au numéro 102.

GuillaumeErard.fr : Avez-vous eu besoin d'une recommandation pour vous inscrire ?

Tada Hiroshi : Non, c'était déjà après la guerre. Généralement, il y avait trop peu de gens pour même faire un dojo. Donc, vous aviez simplement à vous y rendre pour être admis.

GuillaumeErard.fr : Y avait-il encore des réfugiés vivant dans le dojo ?

Tada Hiroshi : Oui, durant les trois ou quatre années qui ont suivi. Ce n'était pas vraiment un abri, il y avait une seule famille. Des 80 tatamis du dojo, 20 leur étaient dédiés, et ils vivaient sur ces 20 tatamis.

GuillaumeErard.fr : Quel était le rythme de pratique ?

Tada Hiroshi : La pratique était du lundi au samedi. Dans la matinée, de 6h30 à 7h30, et le soir, c'était de 18h30 à 19h30. Ensuite, on pouvait pratiquer librement pour toute la journée. Kisshomaru Sensei était employé et devait se rendre au travail parce qu'il n'y avait que cinq ou six élèves, et les grandes entreprises ne subventionnaient plus le dojo. Ce n'était plus ce genre d’époque.

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Ueshiba Kisshomaru devant son entreprise, l'Osaka Shoji

GuillaumeErard.fr : Pourriez-vous nous parler des allées et venues d'O Sensei à l'époque ? Quand on m'a admis, on ne l'appelait pas encore comme cela, on l'appelait « Aiki-Budo ». Il n'y avait pas de nom officiel en fait.

Tada Hiroshi : O Sensei était toujours en voyage entre Iwama, Tokyo et d'autres endroits. Quand il allait dans le Kansai, il revenait ensuite à Tokyo, puis partait à Iwama. Ensuite, il retournait à Tokyo et se rendait au Kansai. Suita à Osaka, Tanabe à Wakayama, et au dojo de Hikitsuchi Michio à Shingu. C'est ce qu'il faisait tout le temps.

GuillaumeErard.fr : Lorsque vous avez commencé, est-ce que cela s'appelait déjà « Aikido » ?

Tada Hiroshi : Quand on m'a admis, on ne l'appelait pas encore comme cela, on l'appelait « Aiki-Budo ». Il n'y avait pas de nom officiel en fait. Quand j'étais étudiant à l'université de Waseda, j'ai voulu créer un club. Ueshiba Sensei avait commencé à donner des stages à son dojo. Je voulais inviter O Sensei à enseigner de cette façon mais pour faire de la publicité, il nous fallait le nom d'un professeur, alors nous avons demandé à M. Tomiki. L'appeler « Aiki-Budo » était problématique en raison de l’époque, alors j'ai choisi « Aikido ». Même avant cela, on l'appelait « Aikido ». Sous le Butokukai, il était pratiqué dans la section intitulée « Aikido ».

GuillaumeErard.fr : L'« Aikido » ne fut-il pas choisi comme un terme générique pour rassembler différents systèmes de combat à mains nues ?

Tada Hiroshi : Non, ce n'était pas le cas, c'était l'Aikido d'Ueshiba Sensei. Mon cousin m'a apporté le programme de la manifestation de 1942 en Mandchourie, je l'ai perdu mais il était présenté là-dedans en tant que « Ueshiba-Ryu Aikijutsu ». Ce nom apparaît également dans un roman, une sorte de fiction pour enfants.

GuillaumeErard.fr : J'ai commencé l'Aikido dans le groupe d'André Nocquet, vous souvenez-vous de M. Nocquet ?

Tada Hiroshi : Lorsque M. Nocquet est arrivé, je pense que j'avais une vingtaine d’années, alors que lui avait la quarantaine. Avant son arrivée, M. Mochizuki Minoru était parti vivre en France en 1951, invité par Sakurazawa Nyoichi. Là-bas, il s'appelait « George Ohsawa »,[rires] le George Ohsawa de la macrobiotique. Tout a commencé [pour l'Aikido en France] lorsque M. Mochizuki a été invité en France par lui. L'année suivante, Abe Tadashi est parti. C'était en 1952. Au début, il a pratiqué le Judo, et après avoir maîtrisé la discipline, il a commencé à pratiquer avec Abe Tadashi pendant plusieurs années. Il a trouvé l'Aikido incroyable et a décidé de pratiquer davantage, alors il est venu au Japon où il est resté pendant trois ou quatre ans. Après la venue de M. Nocquet, plusieurs Français ont commencé à venir.

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Nafudakake du Hombu Dojo c. 1956

L'ambassade de France était également impliquée, et ils ont parrainé une démonstration d'Aikido au Dojo Ueshiba. M. Nocquet a participé à la démonstration, il en existe des photographies. Il y a eu aussi des articles à propos de lui dans le journal YomiuriSuite à notre discussion, Tada Shihan est retourné chez lui car il voulait me transmettre ces articles de journaux. Vous pouvez les lire traduits en français ici.

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Article de journal au sujet d’André Nocquet

GuillaumeErard.fr : André Nocquet avait l'habitude de dire que votre nikyo était très douloureux ! [rires]

Tada Hiroshi : J'étais jeune ! [rires] Je n'étais que dans ma vingtaine, je pratiquais du matin au soir. Je n'avais pas d'emploi, mais je me consacrais à l'étude exclusive de l'Aikido et des Budo japonais. Je me souviens du jour où il est rentré en France. À cette époque, vous quittiez le Japon par bateau depuis Yokohama. Il est parti avec un navire américain et nous sommes allés lui dire au revoir.

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André Nocquet avant d'embarquer au port de Yokohama (1957)

Quand il est rentré chez lui, il avait peut-être 44 ou 45 ans. Je ne sais pas ce qu'il a fait après son retour. Je suis allé m'installer en Italie en octobre 1964, et en 1965, j'ai été invité en France par Noro. Cette fois, M. Nocquet est venu avec une autre personne pour me saluer et il a regardé la démonstration.

GuillaumeErard.fr : Était-ce à l'époque du séjour de monsieur Nocquet que les démonstrations publiques avaient commencé ? O Sensei était réticent à l’idée d'ouvrir l'Aikido au public.

Tada Hiroshi : La première manifestation publique a eu lieu sur le toit du centre commercial Takashimaya.Il s'agit de la démonstration publique organisée par l'Aikikai et ayant eu lieu de la fin septembre au début d'octobre 1956Cela a été fait là-bas parce qu'il n'y avait pas d'autre endroit où faire une manifestation. Bien sûr, le Budokan n'existait pas. Il n'y avait pas d'endroit qui puisse organiser une manifestation. Ce n'était pas encore l’époque où vous pouviez louer le Hibiya Kokaido à grands frais. Après la démonstration à Takashimaya, ont suivi celles sur les toits de Mitsukoshi [Ginza] et du magasin Tokyu de Shibuya. Ensuite, nous avons pu louer des salles de conférences dans différents endroits comme une école de beauté ou chez un éditeur de journaux.

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Publicité pour l'Aikido à Takashimaya

GuillaumeErard.fr : Il semble que Kisshomaru Doshu ait eu du mal à obtenir d'O Sensei qu'il approuve de tels affichages publics. Une autre raison est que si un enseignement s'étendait trop loin, il se détériorerait. C'est pourquoi il n'était enseigné qu'à des personnes spéciales, et très attentivement.

Tada Hiroshi : O Sensei était réticent à l’idée d'ouvrir l'Aikido au public. À l'origine, ce n'était pas quelque chose qui était mis à la disposition du public. C'était la même chose en Daito-ryu. Takeda Sokaku Sensei ne divulguait pas non plus les choses ouvertement. Aucun des vieux Budoka ne faisait cela. Ils ne démontraient que pour des personnes privilégiées, et non pour les étrangers. Cela s'appelait Otome-waza. Otome-waza sont les techniques qui ne seraient pas autorisées à être enseignées en dehors du domaine féodal. C'est tout à fait compréhensible car cela vous mettrait en désavantage si vous laissiez les étrangers découvrir vos secrets. Une autre raison est que si un enseignement s'étendait trop loin, il se détériorerait. C'est pourquoi il n'était enseigné qu'à des personnes spéciales, et très attentivement. C'était ce genre d’époque.

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GuillaumeErard.fr : Quand avez-vous décidé de faire de l'Aikido votre métier ? L'Aikido n'est pas une profession, parce que c'est énorme, c'est une recherche.

Tada Hiroshi : Ce n'est pas une profession ! C'est un sujet difficile. L'Aikido n'est pas une profession, parce que c'est énorme, c'est une recherche. C'est le but. Dans le Budo d'autrefois, comme le tir à l'arc transmis dans ma famille, aucun élève n'étais accepté. L'occupation de quelqu'un était comme celle d'un serviteur pour un seigneur, comme un samouraï. Il n'y a pas de notion de gagner sa vie via l'Aïkido. Il s'agissait simplement de faire des recherches. C'est peut être difficile à comprendre.

GuillaumeErard.fr : Il y a un débat dans le monde de l'Aikido sur l'importance de l'entraînement aux armes. Le jujutsu est la source de tous les arts martiaux

Tada Hiroshi : Si vous pratiquez bien les techniques basiques à mains nues, naturellement, vous devriez pouvoir utiliser également des armes. Ce n'est pas seulement vrai pour l'Aikido, mais cela s'applique à toutes les formes traditionnelles de Budo. On dit que: « Le jujutsu est la source de tous les arts martiaux ». Donc, si vous utilisez votre corps et les techniques soigneusement et avec précision, alors, si quand vous tiendrez un épée, cela deviendra un mouvement d'épée, quand vous tiendrez une lance, un naginata ou un jo, vous pourrez les utiliser tous. Si vous maitrisez le kokyu et le timing, vous devriez pouvoir utiliser toutes les armes du samouraï telles que la chaîne et la faucille, etc. Vous n'aurez pas à l'apprendre comme une compétence spéciale. Mais bien sûr, si vous utilisez l'épée, vous devrez vous habituer et en connaître les caractéristiques, comme par exemple le fait qu'elle coupe. Avec la lance, vous utiliserez la caractéristique de pique à volonté. Même chose avec le naginata, il faut en saisir les spécificités. Mais pour dire que pour faire de l'Aikido, on doit pratiquer avec le jo ou l'épée est étrange. L'idée réelle est que vous pourrez tout utiliser. C'est comme ça, et ce n'est pas spécifique à l'Aikido. Il existe un livre sur la façon dont à la période de Meiji, le chef d'une école primaire a créé une forme de gymnastique pour enfants basée sur les arts martiaux. Vous pouvez lire à ce sujet dans le livre Meiji budo-shi de Watanabe Ichiro Sensei. Ce n'est pas seulement une callisthénie normale, la forme intègre les arts martiaux japonais. Si vous maîtrisez bien ce bujutsu-taiso, vous devriez pouvoir utiliser l'épée, la lance, le naginata et le baton. Il était enseignant, alors il laissait les enfants pratiquer. C'était l'idée.

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Le livre Budo-shi par Watanabe Ichiro

Dans le Judo, vous avez des règles de Judo, vous tombez automatiquement dans une manière de penser et de lancer qui suit ces règles. Ainsi, en Aikido, si vous pratiquez bien la technique, si la façon dont vous utilisez le mouvement est correcte, elle deviendra Aikiken, ou Aiki avec la lance, ou Aiki avec le naginata, ou Aiki avec le jo. Ou si vous lancez quelque chose, cela deviendra une manière spécifique, Aiki, de lancer. Kokyu. C'est ce que c'est. Si vous regardez le Judo moderne ou le Kendo, vous ne voyez pas cette façon de penser. Parce qu'ils sont des systèmes compétitifs basés sur un ensemble de règles. Dans ce cadre, vous ne pensez à rien d'autre. Dans le Judo, vous avez des règles de Judo, vous tombez automatiquement dans une manière de penser et de lancer qui suit ces règles. Lorsque vous regardez le Judo contemporain, le Kendo et le Naginata, ils sont tous considérés comme des choses différentes. Mais ce n'est pas le cas !

Historiquement, la façon de penser est différente. Donc à l'origine en Aikido, si vous pouvez travailler avec l'épée ou la lance, vous pouvez également travailler avec le naginata, cela est pris pour acquis. Mais cela demande beaucoup de temps parce que vous devez vous familiariser avec les armes. Mais les gens ne pratiquent pas. Si vous ne pratiquez pas, vous ne pouvez pas le faire. Par exemple, si vous faites shiho-nage de façon fulgurante, vous pouvez également couper dans quatre directions, cela deviendra également un mouvement de Jo et, s'il est fait avec la lance, il sera poussé dans quatre directions. Tout dépend de votre dévouement. O Sensei pratiquait cela tout le temps.

GuillaumeErard.fr : Est-ce une question de pratiquer par soi-même ?

Tada Hiroshi : Pratiquer soi-même, oui, il s'agit de maîtriser la façon d'utiliser l'arme. Mais il y a une différence fondamentale dans la manière de penser ; que vous pensiez à l'arme dans le cadre de votre propre corps, ou si vous y pensez comme quelque chose d'externe que vous devez affronter d'abord. Si vous ne le comprenez pas, vous ne pourrez pas résoudre ce problème.

GuillaumeErard.fr : O Sensei pratiquait-il seul ?

Tada Hiroshi : Lorsque O Sensei était dans les forêts d'Ayabe, il raccrochait de petites cibles dans 8 directions, et les attaquait avec une lance de plus de 5 mètres de long, du matin au soir. C'est ainsi qu'il maîtrisait la lance.

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Illustration du livre "Introduction to Aikido" (1972) d'Ueshiba Kisshomaru, représentant l'entrainement d'O sensei avec la lance à Ayabe

Si vous ne pouvez pas vous déplacer seul, vous ne pourrez pas vous déplacer avec un partenaire non plus. Puis, lorsque O Sensei déménagea à Tokyo à la demande de l'amiral Takeshita, Yamamoto Gonbei, qui était ministre de la Marine pendant la guerre russo-japonaise, et qui devint plus tard Premier ministre, il vit O Sensei avec la lance et dit : « C'est la première fois que je vois une lance vivante depuis la révolution de Meiji ». O Sensei lui-même a déclaré : « Je suis confiant dans mes compétences de lance ». Il disait qu'empiler des sacs de riz de 60 kg avec la lance était un jeu d'enfant pour lui. Il disait que c'était très simple. Donc, si vous pratiquez intensivement les techniques d'Aikido et que vous souhaitez exprimer un certain flux de mouvements avec l'épée ou avec le jo, cela fonctionnera. Si vous ne faites pas cela, vous ne pourrez pas le faire.

GuillaumeErard.fr : Qu'est-ce qui est le plus important, de pratiquer seul ou avec un partenaire ?

Tada Hiroshi : Pratiquer seul bien sûr. Si vous ne pouvez pas vous déplacer seul, vous ne pourrez pas vous déplacer avec un partenaire non plus. Lorsque votre partenaire vous attaque de cette façon, vous pouvez le faire (une certaine suite de mouvements), vous devez pratiquer occasionnellement, mais c'est différent (de la pratique de base).

GuillaumeErard.fr : Comment cela ?

Tada Hiroshi : Le premier principe de l'apprentissage consiste à utiliser votre esprit et votre corps en fonction des bases. Une fois que vous maîtrisez cela, vous pourrez l'appliquer à tout. Si vous n'avez pas cette idée centrale (de pratique), vous ne comprendrez pas. Si vous ne pouvez pas utiliser votre esprit et votre corps librement, comment allez-vous pratiquer avec un partenaire ? Ce qu'on appelle une pratique réaliste, lorsque votre partenaire vous attaque comme ça, vous le faites, quand il vous attaque comme ça, vous le faites, c'est juste une sorte d'application pratique.

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Le Ki est quelque chose que vous devez rechercher par vous-même. [...] Si vous n'avez pas été familiarisé à cela depuis votre enfance, c'est difficile. C'est comme un chirurgien qui opère. Si il n'a pas les compétences de base, il ne pourra pas opérer. Donc, on doit d'abord maîtriser l'utilisation de son esprit et de son corps. Une fois que l'on a fait cela, les techniques vont naître naturellement. C'est la façon traditionnelle de penser. Dans l'art de l'épée, l'utilisation de l'épée est cruciale, mais lorsque le moment est venu, tout dépend de la façon dont vous utilisez votre esprit et votre corps. Gardez cela à l'esprit et forgez-vous à travers la pratique, c'est l'enseignement via la transmission traditionnelle (du Budo).

GuillaumeErard.fr : On parle rarement du Ki au Hombu Dojo, pourquoi ?

Tada Hiroshi : Le Ki est quelque chose que vous devez rechercher par vous-même. Les anciens disaient toujours : « Il s'agit de l'utilisation de votre propre énergie de vie, alors, apprenez-en le plus possible par vous-même ». C'est comme ça que ça l'a toujours été. Si vous n'avez pas été familiarisé à cela depuis votre enfance, c'est difficile. Par exemple, dans le tir à l'arc, pourquoi ne devrait-on pas être attaché à savoir si l'un frappe la cible ou non ? Pourquoi pratiquer de manière non-passionnée et indifférente ? Pour le dire simplement, c'est la façon dont vous utilisez votre esprit et votre corps. Si vous n'êtes pas intéressé par cet aspect, vous ne pourrez pas le faire. Ce n'est pas parce qu'on vous apprend que vous pourrez le faire. Un point important est le flux de l'énergie Ki. Dans la pratique d'O Sensei, il y avait le « ki no nagare » [flux de ki] et le « tanren » [la forge]. Ceci a été décrit pour la première fois dans le journal Aikikai-shi en 1950. Vous pouvez maintenant le trouver dans le livre « L'Esprit de l'Aïkido ». La méthode de pratique dans l’Aïkido est divisée en ki no nagare et tanren.

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Première issue du Journal de l'Aïkikaï (1950)

Tanren signifie que vous laissez votre partenaire vous saisir fort. Mais cela ne se transformera pas en technique parce que les têtes vont simplement voler. Le but est de ne pas être dérangé même si vous êtes saisi fort. Si vous êtes tenu fort, et si votre attention n'est pas attachée à l'adversaire, vous pourrez vous déplacer. Le ki no nagare d'autre part est plus compliqué. Vous apprenez d'abord à effectuer les techniques dans l'ordre correct des mouvements. Au fur et à mesure que vous le faites, les coins d'un triangle deviennent de plus en plus ronds, et finissent par devenir comme un cercle, comme dans riaii [harmonie des principes].

Ensuite, un flux émerge, un écoulement du corps. Ajoutez à cela le Kokyu [souffle], ce qui est connu à l'étranger comme pranayama, recevant de l'énergie par la respiration. « Ki no renma » [polir le ki] signifie augmenter et concentrer votre énergie de vie. Outre les techniques de l’Aïkido, quand quelqu'un tombe malade et veut guérir son énergie vitale, c'est aussi « ki no nagare no renma » [polir le flux de ki]. De cette façon, vous unifiez la technique avec le flux de votre propre énergie de vie. O Senseï appelait cela ki no nagare no renma pour l'expliquer de façon contemporaine.

GuillaumeErard.fr : O Sensei parlait-il explicitement de ki no renma ? Mais si vous concentrez vos efforts sur l'étude du mot « ki » seul, vous ne comprendrez pas.

Tada Hiroshi : Oui, et il apparaît également dans ses écrits. Mais si vous concentrez vos efforts sur l'étude du mot « ki » seul, vous ne comprendrez pas. Cela dépendra de votre vision du monde et de l'univers. La pensée japonaise est la philosophie orientale. Il est nécessaire d'étudier les connexions, de l'Inde et de la Chine, puis le shintoïsme, etc. Il est unique et indépendant des autres développements. Il s'est également répandu en Europe et en Amérique sous d'autres formes.

GuillaumeErard.fr : Vous parlez souvent de la difficulté à comprendre les dires d'O Sensei, mais comment cela est devenu plus facile après avoir rencontré Nakamura Tempu Sensei.

Tada Hiroshi : Ce que j'ai compris après avoir commencé à suivre Tempu Sensei est venu de l'étude des transmissions dans les arts martiaux anciens et la manière de penser dans la culture traditionnelle japonaise.

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Tada Hiroshi s'exerçant au Tempukai sous la supervision de Nakamura Tempu (1959)

Pour comprendre le discours de O Sensei, vous devez avoir une compréhension de la façon dont la culture traditionnelle japonaise a entrevoit les choses Ce n'est pas la même chose que de dire que le discours de O Sensei était difficile à comprendre. Pour comprendre le discours de O Sensei, vous devez avoir une compréhension de la façon dont la culture traditionnelle japonaise entrevoit les choses, puis cela devient plus facile à comprendre. La racine des conférences d'Ueshiba Sensei était le bouddhisme ésotérique de Shingon. Dans ce cas, il existe une couche de shintoïsme ancien. Si vous ne comprenez pas cela, il sera difficile de comprendre. Quant au Shinto, il y avait un de mes Sempai au Tempukai, il avait environ 8 ans de plus que moi. Il s'appelait Sugiyama Hikoichi et il était allé à Kokugakuin, une école qui enseignait le Shintoïsme. Pour lui, il était facile de saisir le sens du discours d'O Sensei. Les divinités du Shinto ont une signification, en particulier les différentes façons dont ils sont connectés. Avec ces explications, vous pouvez commencer à comprendre. Vous saisissez l'idée grossière grâce à un sentiment intuitif. Vous comprenez immédiatement le sens des différentes histoires que vous entendiez dans votre enfance. Mais une compréhension plus détaillée n'est pas possible.

Ce que j'ai compris dans ce que Tempu Sensei enseignait était plutôt une méthode pour mettre cela en pratique. C'est pour cela que nous pratiquons avec cette méthode. Cela est encore pertinent aujourd'hui. L'« apprentissage mental » occidental ou la « gestion mentale » [sic] proviennent tous deux de la recherche sur les yogas Raja et Hata. La culture japonaise contient ce qui vient de l'Inde via la Chine. L'une des origines de la culture japonaise est Kobo-Daishi, le mélange syncrétique du shintoïsme et du bouddhisme. C'est ce qu'on appelle Shinbutsu Konko. Expliquer le Yoga Raja avec des mots simples comme « mettre l'accent sur la connexion entre les êtres humains et l'univers ». Cela devient alors le bouddhisme japonais, ou même la doctrine nationale sous le patronage de la famille impériale. Cela s'est répandu dans tout le Japon et est également contenu dans tous les arts martiaux.

GuillaumeErard.fr : Comment pouvons-nous réaliser cela dans la pratique quotidienne ? Le point le plus important est de ne pas être attaché aux choses/adversaires.

Tada Hiroshi : Si je commence à parler de cela, cela va prendre beaucoup de temps. Le point le plus important est de ne pas être attaché aux choses/adversaires. C'est la différence entre « concentration » et « attachement ». C'est le plus gros problème. Comment atteindre cet état de non-attachement facilement, pour que cela s'applique à tous les problèmes de la vie quotidienne.

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Tada Shihan au 12e Congrès IAF de Takasaki

GuillaumeErard.fr : Est-ce une compétence développée via une pratique intensive ?

Tada Hiroshi : Plutôt que de compétences ou de pratiques intensives, il s'agit de savoir si cela imprègne votre vie quotidienne. C'est un problème exceptionnellement difficile. Il s'applique à toutes les actions. Si vous y pensez en termes de « comment augmenter et utiliser votre énergie de vie », vous comprendrez. Augmenter votre énergie de vie et ensuite l'utiliser. Il n'y a personne qui ne soit pas confronté à ce problème. Du moment où vous êtes né jusqu'à la mort. C'est un problème difficile. C'est difficile mais c'est là que réside le stress.

GuillaumeErard.fr : Est-ce ce que O Sensei a pratiqué ?

Tada Hiroshi : O Sensei est né à Kii-Tanabe, au pied du mont Koya. Sa famille appartenait au bouddhisme ésotérique de Shingon. Depuis son enfance, il a reçu ces enseignements précieux. Puis, à l'âge de 35 ans, il a rencontré Deguchi Onisaburo. Quand j'ai essayé d'écouter les conversations de O Sensei, j'ai compris qu'il avait profondément étudié les enseignements traditionnels et les a compris à sa manière.

GuillaumeErard.fr : Plus tôt, vous avez mentionné le livre « Budo Renshu ». Pourriez-vous en parler ?

Tada Hiroshi : Il existe en fait plusieurs versions de ce livre. Il y a aussi une version miméographiée. La version en couverture souple d'après la guerre est un peu différente. En quelle année était-ce ? Vers la fin de 1945. C'est un peu différent de ce que faisait O Sensei à cette époque. La première version miméographiée a également été copiée. Cela a été un peu problématique, car cela s'est passé sans avoir consulté O Sensei.

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Deux versions du livre de Ueshiba Morihei datant respectivement de 1934 et 1954, mais contenant les mêmes illustrations et techniques. [Lisez plus d'informations au sujet de ces deux ouvrages ici]

GuillaumeErard.fr : Qu'est-ce que O Sensei pensait du fait d'écrire des livres ?Tada Hiroshi : O Sensei a souvent été sollicité afin d'écrire un livre, mais comme il changeait tout le temps, cela aurait été difficile. S'il n'avait pas changé, il aurait pu écrire (sa vision de l'Aïkido), mais il l'a changée tout le temps. Quel est l’intérêt de coucher sur le papier ce que vous faisiez auparavant lorsque de nouveaux changements se produisent tout le temps ? Cela ne peut pas être écrit.

GuillaumeErard.fr : Vous dites souvent : « L'Aïkido est un Budo qui vit dans le temps présent ».

Tada Hiroshi : C'était quelque chose que Kisshomaru Doshu avait l'habitude de dire. Il disait : « Ueshiba Morihei, mon père, tendait vers un art martial vivant dans le présent ». Mais je ne sais pas exactement ce qu'il voulait dire. Je ne connais pas le contexte dans lequel il disait cela, car il ne l'a pas expliqué. Nous avons peut-être un sens vague de ce qu'il voulait dire. Mais je ne sais pas quel genre de sens Kisshomaru Sensei et Ueshiba Sensei lui donnaient.

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GuillaumeErard.fr : Quelle signification attribuez-vous personnellement ? lorsque le mot « le chemin » est ajouté à un art martial, cela signifie qu'il s’éloigne de la pratique combative

Tada Hiroshi : C'est un art qui a en son cœur les principes de l'esprit et du corps, une technique qui naît de l'attention extrême du Budo, de la limite même de la vie (et de la mort). Grâce à cette technique, à travers notre vie, notre esprit et nos corps, comment pouvons-nous créer quelque chose de positif pour la société contemporaine ? Sans destruction, dans une direction positive ? C'est ce que cela signifie pour moi. Après tout, le dicton : « L'amour est à la racine des arts martiaux » ne se réfère pas à l'idée d'amour dont nous parlons normalement. C'est l'amour de l'univers.

GuillaumeErard.fr : Comment votre propre Aikido a-t-il changé durant les années ?

Tada Hiroshi : Au début, lorsque j'étais étudiant à l'université, je pratiquais extrêmement fort, mais en écoutant O Sensei et Tempu Sensei, même sans le savoir pendant la pratique. Lorsque vous êtes jeune, vous pratiquez vigoureusement, vous pratiquez l’aïkido comme une technique de combat. Mais, en général, lorsque le mot « le chemin » est ajouté à un art martial, cela signifie qu'il s’éloigne de la pratique combative. Malgré cela, à partir de la période de Meiji, des guerres avec des pays étrangers ont commencé et la société n'a plus été capable de penser en dehors du cadre de « combat ». C'est alors que les choses se sont compliquées. Il y avait un écart entre le développement de la société (vers le militarisme) et ce que O Sensei pratiquait. C'était la difficulté. En particulier à partir de la période Showa.

GuillaumeErard.fr : Il y a le dicton : « s'empoisonner avec des enseignements secrets », pourriez-vous l'expliquer ? Au lieu de regarder leurs pieds, les gens regardent et imitent les mouvements sophistiqués d'une manière prétentieuse et vide. [...] C'est très répandu dans l'Aikido.

Tada Hiroshi : Mon arrière grand-père, né à l'époque du samouraï, était très compétent en équitation et en tir à l'arc. Quand mon grand-père a commencé, il lui a dit deux choses. L'une était « Ne pas critiquer la technique d'autrui ». L'autre était « Ne pas lire de livres sur le tir à l'arc ». C'est ce qu'il lui a dit, parce qu'une confusion surgira. Ce maître dit ceci, cet autre maître dit quelque chose de complètement différent. Choisir le meilleur de différentes choses est la méthode pour faire le moins de progrès. Ce sera un patchwork.

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Si vous voulez apprendre quelque chose correctement, vous devez d'abord suivre et maîtriser l'enseignement du maître. Après cela, de temps en temps, vous trouverez quelque chose de très sophistiqué écrit dans un livre de tir à l'arc. « S'empoisonner avec des enseignements secrets », cela se produit aussi en Aikido. Au lieu de regarder leurs pieds, les gens regardent et imitent les mouvements sophistiqués d'une manière prétentieuse et vide. C'est ce qu'on appelle « s'empoisonner avec des enseignements secrets ». C'est très répandu dans l'Aikido.

GuillaumeErard.fr : Comment la pratique de l'Aikido a-t-elle changé jusqu'à présent ?

Tada Hiroshi : Je ne peux pas le dire parce que c'est différent pour différentes personnes. C'est comme dans l'art. En japonais, Budo s'appelle « art ». Mais lorsque le mot anglais « art » a été introduit pendant la restauration Meiji, nous avons utilisé le mot « geijutsu » pour la traduction car il n'y avait rien d'autre, il n'y avait pas d'équivalent et donc il a été adapté comme « geijutsu ». C'est pourquoi le livre d'Issai Chosan s'appelle « Tengu Geijutsuron ». La signification du mot japonais « geijutsu » est « l'art martial » ici. Que vous mettiez le Budo dans le vaste cadre d'éducation créé par le ministère de l'Éducation, ou que vous pensiez qu'il devrait être transformé en sport, et si vous faites l'un ou l'autre, qu'est-ce qui va changer, tout cela est une question de votre façon de penser. La chose la plus difficile est la réalité. Et pourquoi ? Parce que si tout le monde pratique la même chose simultanément, les gens qui se déplacent d'une manière unique deviendront plus rares.

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Tengu Geijutsuron par Issai Chosan

Oubliez la légitime défense [...] mais envisagez cela comme un art japonais traditionnel. Un autre point, le plus important peut-être, c'est que nous ne vivons plus dans une période où nous avons besoin d'arts martiaux comme compétences pratiques. La police peut utiliser le Taihojutsu pour appréhender les criminels, les soldats peuvent pratiquer des arts martiaux, cela existe encore, mais pour le grand public, c'est juste un moyen d'éducation. Il y a une tendance à considérer que cela n'est plus important. Mais en réalité, il est important de pratiquer et de cultiver un art d'une certaine nature. Qu'il s'agisse de la danse, de la peinture ou de la musique, il vaut mieux que tout le monde pratique quelque chose avec leur esprit et leur corps qui leur permette de s'exprimer à travers elle. C'est certain. Oubliez la légitime défense, ou cette partie de la formation de la police, ou des compétences de combat pour l’armée, mais envisagez cela comme un art japonais traditionnel. Parce que cela va polir votre perception / sensation / intuition. Cela va polir la façon dont vous pensez les choses. Et le plus grand de tous les problèmes, c'est la différence entre concentration et attachement.

GuillaumeErard.fr : Comment pouvons-nous résoudre ce problème ?

Tada Hiroshi : Le surpasser ? Lorsque vous avez appris la technique et que vous pratiquerez très fort, vous pourrez inconsciemment sentir la différence entre la concentration et l'attachement. Par exemple, j'ai maintenant 86 ans, certains de mes amis et collègues sont malades ou blessés, certains d'entre eux ont même vu leurs enfants décéder avant eux. C'est alors que l'état de votre esprit et votre façon d'utiliser votre esprit deviennent importants. Comprenez-vous « attachement » ? La différence entre « concentration » et « attachement » ?

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GuillaumeErard.fr : « Attachement » signifie que vous êtes capturé par les choses, la « concentration » signifie que vous reflétez simplement les choses comme un miroir ?

Tada Hiroshi : Il y a 3000 ans, Chuang Tze a dit : « Le véritable être humain utilise son esprit comme un miroir ». Il ne fait aucun doute que c'est le problème le plus important de l'humanité dans ses 3000 ans d'histoire.

GuillaumeErard.fr : Comment passe-t-on de l'un à l'autre ?

Tada Hiroshi : L'attachement signifie que l'esprit est attaché aux choses qu'il perçoit ; il s'arrête. La concentration signifie que vous reflétez simplement les choses comme un miroir, c'est pourquoi vous restez libre. Lorsque vous tombez malade par exemple, afin de guérir si vous êtes attaché, votre esprit se fatiguera et atteindra un état de souffrance. C'est le problème. C'est l'origine de tous les problèmes. Chaque fois que quelque chose de grand se passe dans le monde, la raison en est généralement (attachement de quelque sorte). Des plus grandes guerres et des rébellions au problème le plus personnel et le plus profond, c'est la racine de tout. Lorsque vous pensez comme cela, c'est très important. Mais c'est un problème très difficile, pas quelque chose qui peut être enseigné. Même si vous comprenez la raison d'être, cela ne signifie pas que vous pouvez atteindre un état d'esprit transparent. La façon dont vous abordez cela est extrêmement importante.

GuillaumeErard.fr : Merci beaucoup Maître.

Tada Hiroshi : Je vous en prie. Est-ce que ça allait ? Je pense que vous allez avoir du mal à traduire tout cela ! [rires]

 

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À-Propos

Site officiel de Guillaume Erard, auteur, instructeur et vidéaste résident permanent au Japon - 5e Dan Aïkido du Hombu Dojo de l'Aïkikai de Tokyo / 5e Dan Kyoshi (professeur) de Daïto-ryu Aïki-jujutsu du Shikoku Hombu Dojo.